Le dernier numéro de la revue Les Cahiers Anne Hébert est essentiellement constitué des actes d’un colloque organisé par Cécile Cloutier, Janet Paterson et Jacques Cotnam tenu à l’Université de Toronto en octobre 2002. Comme le dit Nathalie Watteyne en présentation, les sept articles qui composent ce cinquième numéro « se rapportent à la vision poétique [d’Anne Hébert] et aux critères d’appréciation de ses lecteurs, ou portent sur l’attitude subversive qui traverse les textes ».
On trouve en ouverture la conférence inaugurale du colloque, où André Brochu suggère quatre composantes pour définir ce qu’il appelle la « poétique de la matérialité chez Anne Hébert ». Deux études s’arrêtent ensuite à la réception critique de quelques recueils : en regardant l’accueil réservé aux Poèmes, en 1960 et 1961, Pascale Mongeon montre d’abord que « les champs littéraires français et québécois [étaient] modelés par des horizons d’attente différents » ; puis, Nathalie Watteyne réévalue le discours critique entourant Le tombeau des rois (1953) et Mystères de la parole (1960). Les deux articles qui suivent s’intéressent aux personnages féminins dans l’œuvre romanesque principalement : Marilyn Randall étudie « le rôle des poètes manqués » incarnés par les « fils maudits » et les « filles de lumière », tandis que Christine Robinson se penche sur le « parcours initiatique » des héroïnes de cinq romans. Ben-Z. Shek choisit quant à lui de mettre en perspective et en parallèle « la figure du gitan » dans la nouvelle Le torrent (1950) et le roman de D. H. Lawrence, The Virgin and the Gypsy (1930). Dans le septième et dernier article du dossier, Robert Harvey retrouve l’unité de l’œuvre d’Anne Hébert dans l’intertextualité : il prend comme point de départ de son constat « l’autotexte liminaire » (« II y a certainement quelqu’un qui m’a tuée […] ») du chapitre « Olivia de la Haute Mer », dans Les fous de Bassan (1982).
Un article hors dossier, signé Neil B. Bishop, a finalement pour but de montrer que « le roman volcanique » Les enfants du sabbat (1975) est un « exemple remarquable du genre fantastique ». Ce texte, qui est la reproduction de la « préface à l’édition roumaine » du roman, colporte malheureusement les vieux poncifs univoques « d’une société québécoise francophone jadis sous la gouverne d’une Église superstieuse, misogyne et opprimante », dite aussi « société clérico-phallocrate » au « caractère […] patriarcal ». Le tout est assaisonné de quelques psychanalysantes « envie du pénis », « complexe de castration » et autre « désir incestueux » : le public roumain devra trouver ailleurs les nuances qui s’imposent. S’ajoutent à cet article bizarroïde les « témoignages » de deux écrivaines, Cécile Cloutier et Danielle Dussault, de même que le compte rendu d’un essai (d’Anne Ancrenat) sur l’œuvre romanesque d’Anne Hébert et les rubriques habituelles de la revue : « Nouveautés du Centre Anne-Hébert » et « La vie du Centre ».
Ainsi se poursuit l’essentielle mais inégale promotion de l’étude de l’œuvre hébertienne.