Malgré ce que peut suggérer le titre de cet ouvrage, Dietrich Bonhoeffer demeura officiellement religieux jusqu’à la fin de ses jours. Et s’il fut prophète, c’est dans un sens laïc, comme penseur d’un christianisme pragmatique, rendu possible avant même que se pose la question de la foi. À la biographie, Arnaud Corbic superpose une présentation de la pensée théologique et sociale de ce pasteur allemand qui, dès l’avant-guerre, résista au nazisme.
Ayant eu l’occasion de s’expatrier aux États-Unis, Bonhoeffer modifie sa décision aussitôt qu’il arrive sur place, pour revenir en Allemagne à la veille du déclenchement des hostilités. Arrêté en 1943 pour avoir participé à un complot visant l’assassinat du Führer, il est pendu en prison quelques semaines à peine avant la défaite allemande.
L’ouvrage tend à expliciter la métamorphose de pensée qui conduit le pasteur à intervenir politiquement, de même qu’à créer une théologie adaptée à une époque de profonde crise spirituelle. « Bonhoeffer devient un homme de la réalité. Il a cessé d’être ‘ pieux ‘. Le ‘ culte ‘ ne lui manque plus. Il est devenu un homme parmi les autres, syndicalistes, politiques, travailleurs, qui refusent le nazisme. »
D’une lucidité nietzschéenne, l’homme envisage alors, du fond de sa cellule, une période de l’humanité où la religion serait pour la plupart des Occidentaux une chose du passé. Devant une telle perspective, devant aussi les effets dévastateurs du cynisme, il n’est plus question de faire de la chrétienté un domaine reclus, dans une attente où l’on prend garde de ne plus se salir les mains, mais plutôt d’offrir à l’individu areligieux une voie éthique. Héritier de Luther, Bonhoeffer propose d’adapter la parole divine à l’urgence historique, influençant bon nombre de théologiens dissidents des dernières décennies. On lira d’autre part avec intérêt le poème de détention présenté en annexe, qui donne un bon aperçu de cette pensée à la foi sceptique et porteuse d’un espoir supérieur.