Cet impressionnant Dictionnaire de la censure au Québec, Littérature et cinéma recense une multitude de chansons, de livres, de films ayant été amputés, interdits, ou plus ou moins restreints dans leur diffusion. Les œuvres abordées sont autant québécoises qu’étrangères, puisque certains romans et plusieurs longs métrages ont causé la controverse chez nous, peu importe leur provenance (pensons au film Salo de Pasolini). Dans leur présentation, les auteurs mentionnent les sommes dont ils se sont inspirés : Le siècle rebelle (1999), publié par Larousse, et Censorship, A World Encyclopedia (2001). La censure, souvent entendue comme une forme de contrôle, sinon une interdiction, y est définie de deux manières : elle peut être proscriptive (« qui interdit ») ou prescriptive (« qui oblige à dire »), par exemple dans le cas d’œuvres réécrites ou lorsqu’il s’agit de films remontés.
Le spectre des notices est vaste et comprend des exemples célèbres, comme le roman Les demi-civilisés (1934) de Jean-Charles Harvey ou le film Les enfants du paradis (1945) de Marcel Carné. Toutefois, l’article sur la chanson me semble imprécis et comporte des lacunes quant aux années 1980 et 1990. On signale la chanson « J’ai marché pour une nation » de Michel Pagliaro (et non pas « On a marché pour une nation »), occultée en octobre 1970.
La question sous-entendue tout au long de ce livre reste, sur le plan éthique, à savoir si la censure est bonne, acceptable, nécessaire. Car à vouloir juger avec les critères d’aujourd’hui les normes d’autrefois, on ne parvient pas à faire comprendre les normes sociales d’une époque donnée ; on se borne à condamner le pseudo-puritanisme des générations précédentes. Il faut au contraire retenir que chaque société pose ses limites, que les individus ne réagissent pas tous uniformément, et que de tout temps, des gens ont aussi pensé que la censure était trop clémente. En outre, chaque année, des œuvres anodines ou subversives sont passées sous silence sans que personne ne les empêche de circuler, simplement parce qu’elles ne sont pas publicisées et que les journalistes sont trop occupés pour les remarquer.