Ce collectif en hommage au cinéaste Pierre Falardeau (1946-2009) correspond en réalité à un numéro thématique du Bulletin d’histoire politique, rattaché à l’Université du Québec à Montréal. Le dossier principal comprend cinq essais totalisant une cinquantaine de pages. Le journaliste René Boulanger témoigne avec ferveur de l’amitié complice l’ayant uni au réalisateur pamphlétaire, en retraçant leurs engagements communs durant plus de 30 années. On apprécie sa grande précision quant aux événements relatés (noms, lieux, dates), mais également les allusions aux lectures favorites de Falardeau, dont Hommage à la Catalogne de George Orwell. Ce parcours permet aussi d’évoquer ses premiers courts métrages, comme Pea Soup et Speak White, mais aussi Le temps des bouffons, sans oublier Elvis Gratton, un film qui devait durer 30 minutes et initialement conçu comme la réaction à vif d’un partisan du NON à la fois colonisé et américanisé, juste après le référendum de 1980.
Dans un essai documenté, l’historienne du cinéma Mireille Lafrance scrute les figures du héros et du martyr en proposant des comparaisons judicieuses entre l’approche nettement engagée de Falardeau et celle plus documentarisée de Michel Brault, à propos des rébellions de 1837-1838 et de la Crise d’octobre 1970. Plus loin, les remarques imprécises de Fabrice Montal amorcent une réflexion sur la nation dans certains films dont À mort (1972), resté inachevé, et considéré comme « une tentative assez puissante de mise en scène de l’aliénation d’un peuple qui porte déjà en elle les prémisses de Pea Soup et de la série des Elvis Gratton ». Georges Privet donne le texte le plus élaboré sur les arguments invoqués par la critique bien établie pour discréditer les films de Falardeau. Le dossier se termine par quelques brèves remarques sur la réception en France des longs métrages de Falardeau : succès d’estime au Festival de Blois, présence limitée dans les salles d’Art et d’essai, et intérêt soutenu des étudiants en cinéma à l’Université de Paris.
On devine que ces textes ont été rédigés « à chaud » en guise d’hommage ; on ne peut qu’espérer une analyse plus systématique sur le processus créatif d’un cinéaste qui portait à la fois une vision du monde engagée, on le sait, mais aussi une conception esthétique d’un cinéma militant axé davantage sur le pouvoir du montage que sur une continuité thématique ‘ qui avait été reconnue depuis longtemps dans ses œuvres.
En plus des articles consacrés au créateur d’Elvis Gratton, on appréciera des articles hors thèmes et une section de comptes rendus étoffés.