Du numérique à l’imprimé : le schéma traditionnel est ici inversé. Parus d’abord sur le blogue du même nom, les textes composant Détails et dédales bénéficient d’une publication papier chez Septentrion, dans la collection « Hamac-Carnets », qui se spécialise dans cette tendance de plus en plus importante. Catherine Voyer-Léger (CVL), directrice du Regroupement des éditeurs canadiens-français, blogueuse donc, et tweeteuse hyperactive, passe ainsi du statut d’intellectuelle virtuelle à celui d’intellectuelle réelle, émancipée du carcan du Web, légitimée en quelque sorte par cette publication.
C’est dans la première partie, « Détails », qu’on trouve les meilleures pages de l’ouvrage. Explorant plusieurs sujets, cependant toujours traversés par une position pro-intellectualisme, Catherine Voyer-Léger brosse un portrait juste, parfois terrible, de la société québécoise au jour d’aujourd’hui. Elle réfléchit notamment sur la liberté d’expression – qu’elle défend – de certaines personnalités publiques à contre-courant lors du printemps érable. Chaque chronique faisant trois ou quatre pages, le message n’en est que plus percutant, plus direct. Les textes sont à la fois fixés dans un contexte et intemporels. Il serait trop long de dresser la liste des passages dont on aurait voulu être l’auteur, tant les premiers textes du recueil contiennent un propos intelligent, bien déployé, et surtout nuancé. Et même si être d’accord avec Voyer-Léger ne va pas automatiquement de soi (notamment dans ses prises de position ouvertement féministes, prisme parfois partiel dans l’analyse d’une situation donnée), on ne peut qu’applaudir cette « adversaire » coriace car compétente.
Changement de paradigme dans « Dédales » : comme le titre de cette partie l’indique, Catherine Voyer-Léger nous plonge dans les dédales de sa psychologie. Au programme, des textes beaucoup plus personnels, peut-être moins universels. Moins évidents de pertinence en tout cas. Après la CVL cérébrale, la CVL émotive. S’il est toujours agréable (pour ne pas dire voyeur) de plonger dans l’intimité d’un auteur, et notamment dans sa consommation de culture, on doute ici de l’utilité à long terme de certaines chroniques, écrites peut-être sur le coup de l’émotion, mais qui ne vieilliront pas aussi bien que les chroniques plus sociales, plus politiques – paradoxal mais vrai.
N’empêche, voilà un ouvrage bien précieux car intelligent, qu’il faut mettre entre les mains du plus grand nombre de lecteurs possible : Détails et dédales contribue au développement intellectuel d’un peuple, avec un langage simple mais riche et un propos ample et nuancé.