La publication de cet ouvrage de Victor-Lévy Beaulieu, écrivain de génie et militant indépendantiste lucide et intransigeant, était quelque peu prévisible. La critique récurrente de l’auteur envers la classe politique, son appui au printemps québécois et son admiration pour Gabriel Nadeau-Dubois devaient naturellement le conduire à l’écriture de cette plaquette anarchiste.
Mais la bonne volonté n’est pas forcément un gage de qualité : hélas, si Beaulieu a raison sur le fond, trop souvent il erre lorsqu’il argumente, n’évitant pas les anachronismes, prenant des raccourcis étonnants, généralisant imprudemment, établissant des rapports de causalité trop sommaires, voire simplistes. Ainsi toute la misère du Québec contemporain serait imputable à la bourgeoisie. Mais de quelle société et de quelle époque parle-t-on ici ? Le peuple de Pierre Kropotkine n’est pas celui d’aujourd’hui, pas plus que la bourgeoisie actuelle n’est celle d’hier. Le problème (le scandale) de la société québécoise contemporaine, sans que cela lui soit propre, n’est pas lié au concept de classes, mais à la loi économique qui uniformise le monde et sacrifie l’humain et l’écologie pour son propre profit. L’efficacité des banques et du commerce tient précisément au fait qu’ils feignent d’aplanir les différences sociales en agissant sur l’ensemble de la société.
Il est possible que Beaulieu, mû par une sorte de sentiment d’urgence, ait voulu faire vite. Cela expliquerait les négligences sans pour autant les justifier. À vrai dire, ce n’est qu’à partir du douzième chapitre (sur un total de seize) que Beaulieu livre ce qu’on attendait. Sa critique de l’économie meurtrière et son point de vue sur l’impasse politique du Québec actuel sonnent juste. Personnellement, j’adhère sans réserve à la volonté de désobéissance civile qui conclut l’ouvrage. Mais on juge la qualité d’un livre au résultat et non selon les intentions de l’auteur. Désobéissez ! est un livre bâclé, autant dans son propos que dans sa structure. Tout est relâché, incomplet, tronqué. Ce qu’il en reste est terriblement mince : quelques formules inspirantes et beaucoup de bonne volonté.
À quand la révolution ?