Il faut être prêt à assumer certaines déstabilisations pour pouvoir apprécier le dernier livre d’Alban Lefranc. L’auteur d’Attaques sur le chemin, le soir, dans la neige (Le Quartanier) est rebelle à toutes formes de conformisme, que ce soit sur les plans du style ou du contenu, les deux étant ici au service d’un même propos : le saccage de la vie. En racontant l’histoire réelle de membres de la célèbre bande à Baader, des terroristes allemands qui ont fait exploser des bombes à la fin des années soixante et jusqu’au début des années soixante-dix, Alban Lefranc renoue avec l’esthétique d’une époque qui voulait secouer ses fondements. Cela, évidemment, puisqu’il s’agit d’un auteur qui fera sa place, avec le regard critique de l’homme d’aujourd’hui. Cette littérature comme instrument de révolte, de remise en question du réel, de sa marche, l’auteur la fait remonter au Manifeste du surréalisme d’André Breton qu’il cite par le biais de l’avocat appelé à la défense des membres de la bande. « ‘L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule’. […]. Ces propos n’ont jamais blessé personne, croyez-moi. Un simple texte. » À quoi cet art a-t-il servi hors du discours ? Et même, à quoi ont servi les bombes, sinon à mettre sous verrous une conscience délinquante ? Répondre à ces questions donnerait un message à un livre dont la mission est autre : celle de nous plonger dans le doute, de saper nos bases personnelles. À ce propos, le roman est une réussite. Il l’est aussi parce que la qualité de son écriture fragmentée, polyphonique, poétique, violente produit un plaisir esthétique qui fait passer outre aux difficultés de compréhension. Des foules, des bouches, des armes est en somme une expérience de lecture prégnante, un peu angoissante.
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