Iel dédie son recueil « à anyone qui se cherche » et iel entend bien prouver que lorsqu’on se cherche on finit par se trouver, si on s’en donne la peine.
Sa quête est simple, mais la difficulté a été d’arrimer ce qu’il sent à ce qu’il est : de passer du « il » au « iel » qui, de toute façon, n’existe pas encore dans son univers quand il comprend que les autres interrogent qui « il » est : « help-moi à pas me haïr / dis-moi que chu délicate ».
Le recueil retrace son parcours de vie, de sa naissance à aujourd’hui. Un témoignage que la poésie enrichit parce qu’elle lui permet de se dire en toute simplicité et honnêteté. Xavier Gould ne triche pas, ni avec ses émotions, ni avec ses questionnements, ni avec sa langue, ni avec son choix de vie : « ej me suis jamais dit poète / but avec toi / pareil comme sang / les mots coulent ».
Comment devient-on ce qu’on est ? « comment j’ai fait pour surviver l’adolescence ? / sans qu’anyone s’en mêle. » C’est essentiellement à cette question qu’il répond, tout surpris d’y être arrivé, tout en se demandant comment il se fait que ça lui a pris si longtemps : « why que ça m’a pris un quart de ma vie / avant de comprendre chisse que chu ? / wois-tu pas ? / it’s not about me / c’er about la personne ouvertement cachée / c’er about la personne qui feel badass dans son crop top / c’er about les personnes non-binaires qui osent / être vulnerably zeux-mêmes pas yink online ».
Une partie de la réponse tient au fait que Xavier a osé inventer des personnages qui lui permettent de s’exprimer : « chu proud de moi / pensant à toute ça que j’ai subi / sachant que c’était pas fair / sachant que c’était pas de ma faute / sachant que Jass-Sainte pis Chiquita m’ont sauvé-e / sachant que tu peux yink recevoir de l’aide si tu demandes pour / sachant qu’iel er beautiful ».
Il faut connaître Jass-Sainte Bourque, qu’il qualifie d’alter ego dynamique, et Chiquita Mére, son personnage drag, pour mieux saisir sa démarche et faire le lien entre sa parole dénudée de tout artifice et ce qu’il arrive à exprimer sur la scène. La toile est là pour ça.
Dans son recueil, Gould joue aussi bien avec les mots qu’avec la mise en page, créant parfois des effets graphiques. Son utilisation systématique du chiac, qu’il reproduit phonétiquement, colore sa parole et accentue l’impression qu’on a d’être face à une confidence. En même temps, cette langue est ludique, drôle, rythmée et sonore. Le mélange de sons français et anglais crée une musique familière pour ceux et celles du sud-est du Nouveau-Brunswick, mais qui peut être déroutante pour les autres. D’autres emploient le chiac, comme Lisa LeBlanc en chanson, Paul Bossé et Mo Bolduc en poésie, Jean Babineau et France Daigle en roman, mais jamais d’une façon aussi systématique. Ici, le chiac est une véritable langue : « wois des mots en anglais qui sont actually en français dans ma brain ». Il y a là un parti pris : « iel laisse thriver ses différentes langues / pis ses dialectes / no matter how much d’anglais qui l’habite ».
Au-delà de la langue demeure une personne qui s’interroge et qui veut, tout simplement, affirmer qui elle est : « chu pas un guy en maquillage / ou une chick avec une barbe / chu une whole other place / que mame a pas settée à la table / pis donne-moi pas ta bullshit transphobic fantasy / because que j’existe pas su papier / ou dans ta philosophie / j’existe dans mon fucking corps / dans mon body baby ».
Et ce recueil en est une éloquente illustration.