Des étoiles jumelles est un roman qui se situe à deux niveaux. C’est d’abord l’histoire d’une pathétique aventure amoureuse sous le signe de la drogue. Le titre évoque en effet le romantisme de deux êtres dont les orbites ne peuvent échapper à une attraction fatale.
Après avoir publié des témoignages accusateurs sur les centres pénitenciers de réhabilitation – on pense aux Lettres de prison -, Marie Gagnon nous offre aujourd’hui un récit dont l’héroïne, Emma, nous ramène inévitablement à l’auteure elle-même. Ces choses-là ne s’inventent pas. Condamnée pour vols de livres à répétition, Emma opte pour un stage de réhabilitation qui lui évite la prison. Elle se trouve alors piégée dans un univers concentrationnaire où se pratiquent des techniques d’humiliation systématique visant à détruire la personnalité des victimes pour les ramener dans le droit chemin. Ces techniques nous renvoient aux camps du goulag, parfois plus ouverts à des sentiments humains, comme en témoignent les Souvenirs de la maison des morts de Dostoïevski. Sous la férule d’une directrice qu’on dirait sortie tout droit d’un roman du marquis de Sade, se joue le jeu hypocrite d’une morale où tout le monde est berné, y compris les parents des prisonniers eux-mêmes. Dans ce climat malsain où même la solitude devient impossible, Emma, privée de toute communication avec l’extérieur, clame son amour et son besoin de le retrouver.
Jusqu’à la troisième partie du roman, en tant que lecteur, je suivais la piste des témoignages précédents de l’auteure ; mais à partir de là, de l’évasion d’Emma du centre, je perds mes repères et dois m’en tenir à l’allure romanesque des retrouvailles de l’héroïne et de son compagnon hospitalisé, au seuil de la mort. Il faut souligner que cette partie du récit atteint une grande intensité dramatique : on passe du niveau de la révolte et de la protestation à celui du désespoir amoureux.