À l’heure où l’on s’interroge plus que jamais sur l’ultime étape de la vie, que l’on discute de suicide assisté, d’euthanasie, du droit de mourir dans la dignité, des soins palliatifs, de l’accompagnement des mourants, Derniers fragments d’un long voyage constitue un témoignage qui vient renforcer ce que disaient Claudine Baschet et Jacques Bataille, respectivement médecin psychanalyste et chirurgien, il y a déjà deux décennies dans un numéro fort intéressant et toujours très actuel de la revue Autrement, La mort à vivre : « Le plus insupportable n’est peut-être pas tant la mort, instant ultime de passage, dont on peut dire beaucoup mais dont on ne sait rien, que l’idée qu’il y a de la mort dans la vie et, encore plus, qu’il y a de la vie dans ce temps qui se clôt par la mort ».
Du 28 août 2006 au 1er mars 2007, Christiane Singer a consigné dans un carnet de grands moments puisqu’ils seront ses derniers : en sursis, la médecine lui donnant au plus six mois à vivre, elle livre à son mari, ses fils, ses amis et à ses lecteurs une longue et touchante confidence : « Ne nous laissons pas emprisonner dans cette part de nous qui est vouée à la mort ». Brèves réflexions, certes, mais riches d’une expérience singulière que l’on reçoit comme un don bien que l’espace-temps d’où elles nous parviennent nous restera, pour un instant, des mois ou quelques années encore, inconnu. Christiane Singer en mesure d’ailleurs la distance quand ses amis lui disent qu’elle peut encore choisir la vie. « L’intention est bonne, elle est naïve. À ces encouragements manque la vraie brûlure de l’expérience. Dans l’espace où j’évolue, vivre et mourir est la vie. J’opte pour le tout. Voilà. »
Sur le chemin de la vie, les dernières réflexions que Christiane Singer a bien voulu partager avec nous sont comme une lampe-tempête qui éclaire celui ou celle qui part mais aussi ceux qui restent. Derniers fragments d’un long voyage est un livre qui ne se résume pas et dont la lecture ne peut être que très personnelle. Toute singularité qui s’exprime au seuil de la mort est porteuse d’enseignements et mérite qu’on l’entende.