L’idée d’un partage de solitudes et de dialogue silencieux entre lecteur et auteur m’a toujours été sympathique, et l’est tout autant lorsqu’on lit deux auteurs qui échangent. Toutefois, je demeure perplexe devant Demeures du silence, recueil à deux voix où Jean Royer et Yves Namur parlent du silence. Y a-t-il vraiment dialogue ? Jean Royer tend au laconisme, alignant des vers ramassés qui s’apparentent à la maxime ou à l’aphorisme. Le Belge Yves Namur, plus volubile et lyrique, aime à compléter les propositions de l’autre. Les conjonctions se multiplient à l’excès dans les phrases d’Yves Namur, comme si, pour se mélanger à la poésie compacte de Jean Royer, ne pouvant s’y insérer, il tourne autour, à coup de questions cherchant à définir des thèmes semblables ou connexes. Cette répétition devrait unir les paroles poétiques, mais en fait elle souligne la juxtaposition des vers et accuse l’hétérogénéité du mélange, comme le fait la distinction typographique entre les auteurs, qui déjà place les deux instances en interrelation. De là une apparente séquence action-réaction un peu lourde, qui tout de même inscrit ces paroles dans une durée, celle de l’échange. La vapeur se renverse toutefois, quand Yves Namur propose et déroule davantage son univers poétique, porteur d’éveil à l’espace.
Y aurait-il eu lieu de renoncer au marquage des identités pour ne choisir qu’une typographie au recueil, et ainsi laisser la troisième instance, la voix du poème, prendre toute la place, et devenir ce silence habitable tant aimé ?
Ce livre de vert et de blanc comporte néanmoins de très belles images sur les choses fugaces, « [c]omme nous échappent l’éclaircie / La pierre d’angle et les espaces vides. / Comme nous échappent le mouvement / Et le vert, / Les temps épuisés ou la lumière ».