Grâce à des enquêtes comme celle-ci, les femmes de la Nouvelle-France, y compris les religieuses, reçoivent leur dû. On ne pourra plus considérer les immenses figures féminines de la colonie comme de dociles satellites gravitant autour des gouverneurs, des évêques et des cols romains. Construire, gérer, éduquer, soigner, éditer, résister aux hiérarchies, voilà qui leur vaudrait aujourd’hui l’admiration des chantres de l’entrepreneurship.
Cela dit, était-il nécessaire, pour ajuster la balance, de tant enlaidir les mâles de l’époque ? Mgr de Laval ou Frontenac n’étaient-ils pas assez antipathiques ? Puisque l’époque avalisait la vanité masculine, comment reprocher au narrateur immergé dans ce temps l’idée de nommer les mâles en premier ? D’ailleurs, que valent les griefs entretenus contre tel jésuite si les religieuses assènent des verdicts aussi radicaux ? « Les hospitalières, nous dit-on, seront très sévères à l’égard de celles (de leurs compagnes) qu’elles considèrent comme des déserteurs. » Terme terrible. Quand un Iroquois soigné à l’hôpital coince une femme entre une porte et une armoire, il faut, certes, compatir, mais le commentaire qui suit fait sursauter : « On évoque plus volontiers les martyrs jésuites que le lourd tribut humain payé par les hospitalières ». Quant à la spiritualité de Marie Guyart, la prudence suggérerait une voie mitoyenne entre un dédain qu’elle ne mérite pas et l’endossement d’un mysticisme parfois bizarre.