Le cinéaste et écrivain Jacques Godbout est indéniablement un monument de la culture québécoise. De 1956 à aujourd’hui, les livres et les films « onéfiens » qu’il a signés se comptent par dizaines. Quand, octogénaire, il s’assied pour écrire ses mémoires, on se dit qu’il en aura, des choses, à raconter.
Il en a beaucoup, effectivement : les voyages et séjours à l’étranger de Godbout, de l’Éthiopie à la Chine en passant par la Californie et presque tous les coins de l’Europe, donnent le tournis. Quant à ses productions littéraires et cinématographiques, elles sont scrupuleusement inventoriées, avec chaque fois un contexte de création qui intéressera sûrement ses aficionados et ses futurs biographes. C’est d’ailleurs le fil conducteur que l’auteur a décidé de se donner : raconter sa vie « à partir de [s]es livres et de [s]es films, rassemblés par ordre de parution sur une étagère de [s]a bibliothèque ».
Le lecteur en ressort un peu perplexe, restant peut-être sur sa faim, avec l’impression qu’on lui a présenté un squelette sans toute la chair espérée. La direction de cette vie, quelle fut-elle ? Se résume-t-elle à une succession de millésimes ? La direction de Godbout, c’est peut-être l’absence de direction. « S’il y a une continuité dans mon travail, elle n’apparaîtra qu’après coup », avoue-t-il d’ailleurs à propos de ses cogitations d’écrivain sexagénaire. Déjà bien avant, il avait fait cette constatation : « Mais j’ai trente-deux ans et je cherche toujours ce que je devrais vraiment faire dans la vie ».
Le « miroir qu’on promène le long d’une route » de Stendhal n’est peut-être pas toujours la recette gagnante d’une œuvre. Le documentaliste n’en semble pas conscient, lui qui s’excuse quasiment, en nous livrant la seule envolée vraiment touchante et captivante de son livre, de faire « un objet littéraire » de l’épisode le plus éprouvant de sa vie : celui où il a cru mourir et fait une incursion presque surréaliste dans « le Système » de santé québécois après avoir fait une ischémie cérébrale transitoire qu’il a prise pour un AVC.
Une autobiographie doit-elle obligatoirement comporter des détails croustillants ? « Je conserve mes croustilles pour moi-même », reconnaît-il à propos d’une première demande en ce sens reçue en 2008. Cette pudeur, c’est peut-être l’homme, c’est peut-être sa génération. Chose certaine, celui-ci nous livre son bilan avec sincérité et humilité, comme en témoigne sa saisissante conclusion : « Né en 1933 à Montréal, dans un pays tranquille à l’abri des guerres, des famines, des tremblements de terre, des volcans ou des révolutions, je n’ai connu ni drame ni tragédie et je confesse mes privilèges ».
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