À ceux qui en douteraient encore, les 75 déclarations, notes et confidences recueillies par Roger Barrette montrent à l’envi que Charles de Gaulle avait développé pour le Québec un intérêt et une amitié qui ne se sont jamais démentis au cours de ses longues années comme militaire et chef d’État.Dans une étude très documentée, l’auteur retrace la « relation exceptionnelle » que le général a tôt entretenue avec la partie québécoise du Canada, qu’il a par ailleurs toujours souhaitée souveraine, quoique sans rupture avec le gouvernement central d’Ottawa. Après un avant-propos où il décrit son propre « parcours franco-québécois », Roger Barrette présente dans un premier chapitre un panorama historique de la France depuis la naissance de De Gaulle, à Lille, le 22 novembre 1890, jusqu’au début des années 2000. Suivent les 75 prises de parole du général, étalées sur 3 décennies (1940-1970). Reconnu par le gouvernement britannique comme « Chef des Français libres », le militaire s’adresse d’abord en effet aux Canadiens français, le premier août 1940, par la BBC et Radio-Canada, pour les rallier à la cause de la France et pour contrecarrer la propagande du régime du maréchal Philippe Pétain à Vichy. Et le 25 février 1969, quelques mois avant sa mort à Colombey-les-Deux-Églises, le 9 novembre 1970, il a un dernier entretien avec Marcel Masse, alors ministre d’État délégué à la fonction publique du Québec, au sujet de la coopération franco-québécoise.Dans un troisième et conclusif chapitre, Roger Barrette fait le bilan de la contribution et des retombées des interventions du président de Gaulle dans les relations entre la France et le Québec au regard de la Révolution tranquille. L’historien y résume l’héritage gaullien en matière d’éducation, de culture, de politique, de science, d’économie, de tourisme, de langue et de rayonnement du Québec à l’international. On rappelle ainsi la rédaction de multiples ententes et la création de nombreux organismes pérennes issus directement de l’interaction entre les deux pays : l’Office de la langue française en 1962, la Caisse de dépôt et placement du Québec en 1965, les accords Peyrefitte-Johnson en éducation et en culture en 1967, l’Office franco-québécois pour la jeunesse en 1968, l’École nationale d’administration publique en 1969… Sur ce fond d’innovations tous azimuts apparaissent régulièrement les différends entre Ottawa et Paris, le général de Gaulle n’ayant jamais rien cédé aux exigences fédérales canadiennes. « Nous n’avons aucune concession ni aucune amabilité à faire à M. Trudeau qui est l’adversaire de la chose française au Canada », ira jusqu’à dire le président le 16 avril 1968, avant d’écrire, le 13 septembre suivant : « Il est temps de faire savoir à M. Trudeau que son attitude francophobe risque fort de compromettre décidément toutes les relations entre Ottawa et Paris ».Comme le dit le préfacier Denis Vaugeois, l’essai de Roger Barrette va du connu au moins connu. Si le fameux « Vive le Québec libre ! » a eu un retentissement planétaire, si l’on connaît les circonstances qui ont mené à deux reprises le général à la présidence de l’État français, ou si personne n’ignore qu’il a survécu miraculeusement à l’attentat au Petit-Clamart en 1962, qui, en revanche, sait que l’illustre militaire a fait, non pas un, mais trois voyages au Québec (en 1944, en 1960 et en 1967), qu’il a été condamné à mort par contumace par le maréchal Pétain, et qu’il a publié 44 ouvrages au cours de sa vie ? Est-on au courant que le cri audacieux du général lancé à Montréal en 1967, dont Roger Barrette souligne à plusieurs reprises la préméditation, a fait entrer le toponyme Québec dans plusieurs langues, tel le mandarin, qui en a créé l’idéogramme ? Qui, encore, pourrait décrire, comme le fait l’historien, les réalisations québécoises très spécialisées issues de la coopération scientifique et technique entre la France et le Québec ? …Après son parcours éclairé, éclairant et abondamment illustré, l’auteur ajoute quatre pertinentes annexes : des notes biographiques détaillées sur De Gaulle, la chronique de René Lévesque parue dans le journal Dimanche-Matin et reproduite dans Le Monde de Paris à propos de la visite du président français en 1967, le texte intégral des accords Peyrefitte-Johnson et une chronologie comparative (française-québécoise-mondiale) de 1890 à 2008. Une large bibliographie et un judicieux index onomastique viennent clore l’ensemble. On peut partager l’enthousiasme de Denis Vaugeois, qui termine ainsi sa préface : « le Québec n’est plus le même… grâce au général de Gaulle ! Je n’en démords pas ! Merci Roger Barrette ! »
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