Ce n’est pas sans appréhension que j’ai commencé à lire ce nouveau venu de la collection « Écrire ». Celle-ci étant souvent prétexte à du verbiage tant égotiste qu’anecdotique, j’imaginais mal Ginette Pelland se prêter à un tel exercice. Rassurez-vous, il n’en est rien. Dans un pays colonisé n’étant rien de moins qu’une antithèse d’En toute liberté qu’avait commis François Barcelo, Pelland ne parlera pas d’elle-même à l’instar de celui-ci, qui révélait que son iMac était vert limette, qu’il préférait le caractère Palatino 18 et que
Ginette Pelland déterre une vieille dualité en prenant la position dont Jean-Paul Sartre fut l’un des derniers représentants. L’écrivain peut-il vivre hors de son temps, faire fi de la politique et de ses responsabilités, vivre sous l’emprise de la devise « l’art pour l’art » ? À cette question, la réponse de l’essayiste est péremptoire : non et a fortiori au Québec, où nous subissons un double colonialisme, l’un politique, à l’intérieur du Canada, l’autre culturel, par l’entremise de nos médias qui, en termes de visibilité, admettent la prépondérance des littérateurs français sur ceux d’ici.
Ceux qui sont familiers avec l’œuvre et la pensée d’Albert Memmi, de Gaston Miron et de Jean-Paul Sartre, n’ont nul besoin de lire cet ouvrage dont la majeure partie est consacrée à les vulgariser. En fait, ils n’ont qu’à retenir que les deux tiers du marché du livre sont accaparés par la littérature d’une France réfractaire à importer la nôtre, qu’une autre part importante l’est par les ouvrages traduits de l’anglais, que la traduction comme le bilinguisme se fait dans un seul sens au Canada et ils auront là l’essentiel. La solution, c’est la souveraineté. C’est redondant, mais tant que la question nationale ne sera pas réglée au Québec, on continuera à répéter ce à quoi Miron consacra la plus grande part de son œuvre et des écrivains capables tels que Ginette Pelland nous serviront du rabâchage.