Les mâchoires d’acier de la hyène ne se seront finalement pas refermées sur ce diable d’homme. Et pourtant, l’haleine fétide de la bête aura soufflé très près, sur la nuque de l’auteur, sa hargne hurlante. Peut-être, souffle-t-elle encore. Pour ne pas terminer dans le ventre de la hyène, l’auteur-combattant « à l’esprit du démon », aux mains tachées par l’action de guérilla, ingénieur-agronome de son état, aura joué à pourchasser l’immonde furie, répétant, dans le monde des grands cette fois, les jeux des enfants de sa ville labyrinthe, Jijiga, en Éthiopie.
Déjà, sa naissance avait lieu sous les auspices d’un sacrifice d’enfant pour sauver de la mort la reine Menem, épouse du roi Hailé Sélassié. Cet enragé assoiffé de vengeance plaça sa vie sous l’ombre magique de l’Adbar, arbre sacré de chaque enceinte familiale éthiopienne, celui à qui l’on dédie les tourments de la vie, au demeurant fort nombreux en ces temps mouvementés d’une pré-révolution socialiste. Une sorcellerie qui l’a inlassablement protégé des plus lourdes infamies de la vie politique éthiopienne qui côtoyaient dans l’horreur les pires heures de l’histoire du XXe siècle. Tout se termine bien, somme toute, comme ses engagements pour la cause des insurgés de l’Ogaden contre la junte au pouvoir (et son chef Mengistu) qui venait de massacrer le Négus, s’emparer du pouvoir pour longtemps, et allait déstabiliser le pays et accessoirement toute la sous-région.
Mais, tout se termine-t-il si bien ? La nuit, la hyène ne prend-elle pas encore possession de sa pensée, comme elle prenait possession des rues de Jijiga ? La morsure du remords blesse-t-elle cet homme à la prestance altière défaite par l’abandon de ses frères et sœurs ? Pourtant, s’il en est un qui saurait le dire, c’est bien cet expatrié canadien : la pire des hyènes carnassières a deux pattes.