Trente ans après sa mort tragique, Dalida (1933-1987) a été redécouverte par de nouveaux publics grâce aux rééditions de biographies filmées et de ses disques.
Et ce, autant par une jeune génération née après la mort de la chanteuse que par un public homosexuel qui a vu en elle – et peut-être malgré elle – une icône de la culture gaie avec laquelle il pourrait s’identifier, au lieu de la considérer comme un sex-symbol devenu objet d’un désir impossible, tout comme l’étaient autrement les personnages flamboyants de Diane Dufresne ou de Dusty Springfield à la même époque.
En cette ère postmoderne qui fait voisiner sans complexe des styles incompatibles, un nouvel auditoire apprécie selon d’autres critères et sans nostalgie l’univers composite, résolument mélodramatique, clinquant à souhait et volontiers kitch de Dalida : on recherche ses postures de poseuse, on réclame les pochettes de ses 33 tours, ses costumes excentriques, sa voix grave qui rappelle parfois les tonalités caverneuses de la chanteuse Zarah Leander. À travers la mythique Dalida, ce sont les années 1960 et 1970 que l’on se reconstruit et que l’on célèbre sans les parodier, bien que son personnage public, débordant et parfois excessif, cadre étonnamment bien avec les déboires de certaines célébrités d’aujourd’hui.
Déjà paru en 2002 chez Nota bene, le livre hagiographique de Michel Rheault ressemble davantage au journal intime d’un fan de la chanteuse qu’à une biographie centrée sur la vedette, du style de Dalida. La gloire et les larmes (Guy Authier, 1976) de Pascal Sevran. À la manière du biographe Hunter Davies qui a rencontré en 1968 des admiratrices des Beatles, Michel Rheault nous fait découvrir le personnage tragique et idéalisé de Dalida à travers son public montréalais. Ailleurs, on survole des extraits des textes lui ayant été consacrés ; on reconfirme la postérité de ses chansons emblématiques comme « Gigi L’Amoroso » ou encore le mythique « Paroles, paroles », ce magnifique duo avec Alain Delon.
Dans son épilogue de 2017 ajouté pour cette réédition, Michel Rheault rappelle à quel point le personnage de Dalida semblait se confondre parfaitement avec son univers, ses chansons, sa vie privée, les indiscrétions de son entourage, et tout le rêve de célébrité qui en émanait. Parmi le public des fidèles de la chanteuse, beaucoup d’admirateurs déclaraient simplement, pour expliquer leur fascination et leur attachement : « Dalida, c’est moi ». Mais le plus étonnant, c’est que l’auteur, fan de longue date, avoue ne pas faire jouer ses disques d’une manière obsessive : « Je l’écoute rarement ; elle me touche toujours ». Ce livre révélateur de Michel Rheault n’est pas un simple portrait écrit par un admirateur ; il peut s’inscrire dans divers courants d’études comme les Cultural Studies, les Celebrity Cultures, les Gender Studies, l’étude sociologique des « Fan Cultures » et des nouveaux cultes profanes.