« Quarante-deux milles de choses tranquilles », mais aussi de choses à voir, à découvrir et à faire, pourrait-on ajouter pour paraphraser la chanson « Le tour de l’île » de Félix Leclerc. Mais savons-nous encore observer et décoder le patrimoine bâti ?
Il serait si simple de parcourir l’île d’Orléans en n’observant que les points de vue grandioses sur le fleuve et en admirant l’architecture des maisons ancestrales. Mais il serait bien plus formateur de découvrir le patrimoine, les lieux de mémoire qui s’y rattachent et d’innombrables particularités souvent bien cachées, comme ces deux grottes, dont celle d’Argentenay, dissimulée sur la pointe ouest. Comme un complément logique aux Curiosités de la Côte-de-Beaupré, du même auteur (avec Frances Caissie), ces Curiosités de l’île d’Orléans proposent une centaine de découvertes et d’attraits pittoresques. Il ne s’agit pas d’égaler la somme de Michel Lessard, L’île d’Orléans. Aux sources du peuple québécois et de l’Amérique française, ouvrage monumental des Éditions de l’Homme auquel avait participé Pierre Lahoud (voir notre article « Une île en mots et en images », Nuit blanche, no 73). Mais le nouveau guide que signe ce dernier sera indispensable à tout visiteur conscient de la richesse des lieux-dits et de plusieurs des sites datant d’avant 1759. À première vue, il est difficile de dater ou de deviner la valeur historique de ces lieux. Érigé aux alentours de 1730, le moulin à eau de Saint-Laurent constitue un bon exemple d’une curiosité à contextualiser afin d’en expliquer l’origine, la fonction initiale et les nombreux usages au fil des siècles.
On pourrait définir une curiosité comme une construction incomparable ou un emplacement insolite qui ne révélerait pas tout son intérêt historique. Ainsi, le promeneur non initié pourrait ne pas soupçonner que la toute petite maison Carbonneau, visible sur la route d’Argentenay, est en fait « une reconstruction du premier modèle de maison de la colonisation » qui date de seulement quelques années. Ailleurs, l’auteur ne manque pas de rappeler que la route du Mitan, située au centre de l’île, « permet de comprendre le relief légèrement bombé de l’île, offre des paysages qui n’ont sans doute pas beaucoup changé depuis l’époque du Régime français ». À elle seule, l’iconographie rendrait ce livre indispensable : on y voit une photographie de 1935 montrant le pont de l’île d’Orléans en construction, et plus loin une vue aérienne de l’île Madame, voisine de l’île d’Orléans, ou encore la mystérieuse plage aux Allemands, difficilement accessible par les voies terrestres. Certaines images montrent l’emplacement exact d’une inscription, d’une plaque ancienne apposée sur une pierre invisible de la route. Les différentes cartes aident à repérer avec précision les curiosités choisies au milieu d’endroits familiers.
Pierre Lahoud peut se vanter d’avoir signé LE livre par excellence pour qui veut apprécier les curiosités de l’île d’Orléans : ces sites préservés et ces plaques historiques qui font comprendre son unicité. Aux lieux de consommation (restaurants, cidreries, vignobles, cabanes à sucre) tout à fait légitimes que pointent les guides touristiques, il faut ajouter toutes les traces révélatrices de nos racines communes et de notre histoire nationale, et seul un guide rigoureux comme celui-ci peut nous les expliquer en des termes patrimoniaux. Le patrimoine n’est pas forcément beau, mais il demande à être présenté et mis en contexte ; on pourra ainsi témoigner de nos origines et donner du sens à des lieux chargés d’histoire.