En Nouvelle-France, l’apothicairesse était la religieuse chargée de l’apothicairerie d’un hôpital, et ce mot remonterait au IIIesiècle de notre ère. Le métier d’apothicaire s’apparente aujourd’hui à la profession de pharmacien.
L’apothicaire « s’occupe de conserver les drogues végétales (plantes médicinales) et les remèdes » ; le professeur Gilles Barbeau le décrit à la fois comme un botaniste, un alchimiste et un commerçant. Dans ce livre rassemblant de curieuses histoires d’apothicaires, l’auteur se révèle un raconteur hors pair, un peu dans la tradition de Jacques Lacoursière ou de Jean Provencher. Le livre propose une vingtaine de portraits d’inventeurs, de chimistes, de pharmaciens innovateurs ou au contraire incompétents, de charlatans, voire d’empoisonneuses. Car les remèdes peuvent devenir mortels : tout est une question de dosage. Et les étiquettes indiquant la posologie sur les flacons n’ont pas toujours existé.
Après avoir situé les origines du métier d’apothicaire, on rappelle que le premier colon venu de France pour s’établir à Québec, Louis Hébert (1575-1627), était au départ apothicaire à Paris. Une statue lui fait d’ailleurs honneur dans le parc Montmorency, non loin de son lieu de résidence, et un vénérable restaurant de Québec porte son nom. Or, son intérêt primordial pour les plantes médicinales est peu connu.
Certaines espèces autochtones comme « l’onguent divin » – un antidouleur – et les remèdes propres à la Nouvelle-France sont encore trop peu célébrés ; Gilles Barbeau signale les premiers ouvrages d’histoire qui les mentionnent, et il reproduit les herbiers d’autrefois afin de montrer comment certains végétaux ont progressivement révélé leurs pouvoirs guérisseurs.
Le survol proposé dans ces Curieuses histoires d’apothicaires ne se limite pas aux frontières du Canada ; on explore l’Extrême-Orient et même le Pérou pour faire découvrir un secret autochtone : « l’arbre des fièvres (quinquina) ». Et ce panorama des remèdes attestés et utiles est ici complété par une série de cas impliquant la commercialisation de nombreux poisons et stupéfiants, comme l’absinthe ou encore le vin à base de coca, même au début du XXesiècle, à Paris. Gilles Barbeau a réussi à reproduire des publicités d’époque vantant les vertus relaxantes de ces produits hautement addictifs, présentés autrefois comme de simples « toniques» et vendus sans la moindre mise en garde et sans ordonnance, à Montréal comme à Québec.
Les ouvrages sur l’histoire de la médecine et de la pharmacie au Canada ne sont pas légion, et encore moins ceux qui sont richement illustrés et destinés à un vaste lectorat. Ces Curieuses histoires d’apothicaires font exception, et ce, pour notre plus grand intérêt. En rendant hommage à nos guérisseurs et inventeurs d’élixirs de tous acabits, Gilles Barbeau offre un parcours fascinant et instructif sur la santé et la botanique, du Régime français à nos jours.