Les chroniques regroupées dans ce recueil ont d’abord fait l’objet d’une diffusion radiophonique à partir de Tanger et étaient destinées à l’auditoire francophone du Maghreb et de la rive sud de la Méditerranée. D’un intérêt certain pour un public élargi, on ne peut que saluer le fait que ces chroniques nous soient parvenues sous leur forme écrite, ce qui favorise encore plus sûrement la réflexion à laquelle leur auteur nous convie. Abdelwahab Meddeb, écrivain et poète, traque sous toutes ses formes la dérive qui marque les rapports de l’islam à l’Occident et au modernisme. Le chroniqueur ne manque pas de rappeler que l’islam est avant tout issu d’une culture ouverte et généreuse et l’image, sujet délicat s’il en est, qui en est aujourd’hui projetée n’en représente ni l’esprit ni les visées. Ces contre-prêches cherchent avant tout à dénoncer par la raison la dérive idéologique que font subir à l’islam ceux qui se sont emparés du discours public au sein du monde musulman et qui dispensent les fatwas, comme étaient dispensées les excommunications à une autre époque. « Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, écrit Abdelwahab Meddeb dans une chronique où il dénonce le port du voile qu’il associe à une offense faite aux femmes dans le seul but de les inférioriser, n’est que le résultat d’une action politique qui a changé d’horizon. On est passé de l’âge où les docteurs de la loi cherchaient à moderniser l’islam à celui où des idéologues réclament l’islamisation de la modernité. Un projet s’est substitué à un autre. Et, de la sorte, c’est tout l’islam qui s’est métamorphosé en trente ans. La question du voile ne peut se comprendre que dans ce contexte. »
Abordant tour à tour autant des faits de l’actualité (le renversement de Saddam Hussein et le procès qui suivit, l’assassinat de Theo Van Gogh à Amsterdam à la suite de ses déclarations contre le fanatisme islamique, les manifestations entourant le port du voile en France), que les fondements historiques et culturels de l’islam, Abdelwahab Meddeb dénonce l’intégrisme sous toutes ses formes, critiquant au passage avec la même virulence les prises de position américaines qui versent tout autant dans un esprit obscurantiste qui ne peut qu’exacerber l’incompréhension et la haine envers l’inconnu perçu comme une menace à son intégrité et à sa sécurité. Mais au delà des prises de position énoncées ici avec force et conviction, l’intérêt des contre-prêches réside dans la vision qu’ils nous offrent de cette immense culture, vision qui vient ébranler bien des préjugés que l’on pourrait entretenir à l’égard de l’islam. S’il est un souhait qui traverse l’ensemble de ces chroniques, c’est bien d’affranchir les cultures orientale et occidentale de toute forme d’obscurantisme. Abdelwahab Meddeb y participe avec intelligence.