Les travaux visant à élaborer des options concrètes de remplacement du capitalisme sont choses plutôt rares. Voici réunis dans un livre quelques modèles prospectifs, dont la présentation succincte puise à la fois aux écrits de leurs auteurs et aux critiques qui leur ont été adressées.
L’échec généralisé de toutes les tentatives d’instaurer le socialisme au XXe siècle a plombé le mouvement pour sortir du capitalisme. Aujourd’hui, l’idée selon laquelle le capitalisme représente le stade ultime de l’évolution des sociétés connaît un étonnant succès. Dans les lieux de pouvoir en particulier, on ne décèle aucun appétit pour la mise au jour de voies de dépassement de ce système, qui perpétue les inégalités et mène à l’épuisement des ressources. La recherche dans le domaine économique existe pourtant. Les auteurs de Construire l’économie postcapitaliste présentent dans leur livre quelques travaux visant à imaginer les contours de ce que pourrait être un système économique plus désirable.
La notion d’économie planifiée n’a pas la cote parce qu’on l’associe habituellement au système soviétique. Récemment, une ministre du gouvernement de la Coalition avenir Québec utilisait l’expression, convaincue de pouvoir discréditer sans appel une idée de l’opposition en affirmant simplement que cela relevait de l’économie planifiée. Or, les déboires du système soviétique ne tiennent peut-être pas surtout au fait de la planification, mais plutôt au déficit de démocratie et aux orientations de ladite planification. Aussi, plusieurs auteurs cherchent à déterminer les moyens par lesquels assurer une planification démocratique de l’économie.
Parmi les modèles recensés dans Construire l’économie postcapitaliste, on trouve celui de Pat Devine et Fikret Adaman, appelé coordination négociée, lequel propose de « redonner le pouvoir décisionnel aux personnes proportionnellement concernées par les décisions ». De même, le modèle dit de l’économie participaliste, des auteurs Michael Albert et Robin Hahnel, préconise une socialisation des moyens de production et un partage du pouvoir, par exemple au sein de conseils composés de travailleuses et travailleurs sur les lieux de travail. Des critiques de ces propositions ont entre autres avancé que la planification démocratique de l’économie pourrait exiger un grand nombre de réunions et des calculs complexes pour déterminer une allocation des ressources à la fois équitable et réaliste. En partie pour répondre à ces critiques, le modèle de Paul Cockshott et Allin Cottrell mise sur les immenses capacités de calcul des ordinateurs, qui rendent désormais possibles des opérations de planification impensables il y a quelques années à peine. On trouve aussi dans l’ouvrage des travaux davantage reliés à des expériences vécues. Une proposition de planification démocratique inspirée des mouvements sociaux et politiques émancipatoires en action au Venezuela, dans la première moitié des années 2000, est attribuée aux auteurs Marta Harnecker, Michael Lebowitz et Victor Álvarez. Les auteurs présentés n’ont pas tous imaginé le fonctionnement d’une économie dans son ensemble. Ainsi, deux autrices féministes, Katherine Gibson et Julie Graham, ne proposent pas de modèle global pour remplacer le capitalisme, mais adoptent « une démarche expérimentale de recherche sur les expériences collectives susceptibles de contribuer à la construction d’un futur postcapitaliste ».
Malgré l’effort de vulgarisation des auteurs, les textes de Construire l’économie postcapitaliste ne sont pas particulièrement faciles à lire. Ils devraient tout de même attirer l’attention des personnes qui s’intéressent à l’économie… et qui ne croient pas à la fin de l’histoire.