Enfin un livre en français qui aborde de manière exhaustive et rigoureuse les rapports entre philosophie et cinéma ! Plusieurs professeurs de ce côté de l’Atlantique avaient publié des ouvrages importants sur le sujet, dont Ian Jarvie (Philosophy of the Film, Routledge, 1987) et Irving Singer (Reality Transformed, MIT Press, 1998). Mais rien de valable à ce propos au Québec ou en France. Pourtant, le sujet est vaste et inspirant.
Dans Cinéma et philosophie, Dominique Chateau s’intéresse à trois aspects de ce rapport particulier : la représentation du personnage du philosophe dans les films ; les adaptations cinématographiques de textes philosophiques (par Roberto Rossellini, notamment) ; et l’analyse philosophique des films, c’est-à-dire ce que la philosophie peut apporter à l’analyse filmique. Les exemples vont des Contes moraux d’Éric Rohmer à Comment je me suis disputé d’Arnaud Desplechin.
L’auteur, théoricien du cinéma et de l’esthétique, convoque les grands philosophes ayant écrit sur le cinéma, les arts, la temporalité : d’abord Henri Bergson et Rudolf Arnheim, puis Maurice Merleau-Ponty, Jean-Paul Sartre, Gilles Deleuze, sans oublier l’Américain Stanley Cavell, connu pour son étude philosophique du thème du bonheur dans les comédies américaines.
Ce livre lumineux pave la voie à de nouvelles avenues en études cinématographiques, comme la phénoménologie et la déconstruction, en réussissant là où tant de chercheurs s’étaient lamentablement égarés auparavant (Marie-Claire Ropars, Raymond Bellour et tant d’autres). On pardonnera de petites erreurs dans certaines dates : le film L’Éclipse de Michelangelo Antonioni est sorti en 1962, et non en 1960. Par son caractère ardu, cette synthèse admirable, dense et exigeante, conviendra surtout aux universitaires et aux philosophes.