Il y a quelques années, Alistair MacLeod a enchanté de nombreux lecteurs québécois avec son premier roman La perte et le fracas. Avant cette saga familiale, qui a obtenu de prestigieux prix et a été traduite dans plusieurs langues, l’écrivain canadien-anglais avait surtout retenu l’attention comme nouvelliste.
Island, le titre original du recueil Chien d’hiver, traduit mieux, à mon sens, ce qui caractérise à double titre cette collection de nouvelles. Toutes, sauf « De sel et de sang » qui se déroule à Terre-Neuve, ont pour cadre l’île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, où se situait déjà La perte et le fracas. Et toutes mettent en scène des gens « ordinaires » – fermiers, mineurs, pêcheurs en haute mer, bûcherons, débardeurs – au destin fondamentalement solitaire. À l’exception de « L’île », qui raconte l’histoire de la fille du dernier gardien de phare MacPhedran, le personnage principal ou le narrateur est toujours un homme, un jeune garçon ou un vieillard descendant des Écossais des Highlands qui, chassés de leurs montagnes par les Britanniques, ont traversé la mer pour s’établir en Amérique au XVIIIe siècle.
Peuplées de bêtes domestiques fidèles et courageuses, de vieux chants gaéliques, de mythes et de légendes écossaises, les seize nouvelles de Chien d’hiver retracent un style de vie en bonne partie révolu ; alors, les hommes, pères de nombreux enfants, devaient s’exiler tout l’hiver pour aller gagner leur vie sur les chantiers, les bateaux et dans les mines plus au sud. Elles parlent des grandeurs et des misères de la vie quotidienne dans une île battue par les vents, des morts trop tôt survenues, des espoirs contrariés, de la dignité de ces hommes et de ces femmes qui, tel le vieil Archibald dans « Au diapason de la perfection », refusent de céder devant ce qui pourrait les rabaisser à leurs propres yeux.
Parfois ironiques, souvent poignantes – en particulier « En automne », « Un temps pour tout » et « La route de Rankin’s Point » -, les nouvelles d’Alistair MacLeod nous entraînent dans un autre espace et un autre temps qui restent néanmoins universels. On ne s’étonnera pas que l’écrivain canadien-anglais de réputation internationale Michael Ondaatje ait comparé l’auteur à de grands maîtres de la nouvelle tels William Faulkner et Anton Tchekov.