Cet ouvrage sous-titré Étude du discours de folkloristes québécois (1916-1980) est issu d’une thèse de doctorat en ethnologie. L’auteur, Serge Gauthier, est le président de la Société d’histoire de Charlevoix ; il a voulu cerner la construction sociale de Charlevoix, et comprendre comment cette région était représentée, perçue et même promue depuis plus d’un siècle. Son livre n’est pas à proprement parler une histoire chronologique de cette région (voir chez le même éditeur son Histoire de Charlevoix, 2002, co-rédigée avec Normand Perron). Il s’agit plutôt d’une tentative (réussie) de saisir à la fois le folklore, mais aussi la folklorisation – parfois excessive – de ce lieu privilégié de villégiature. Cette vision romantique n’appartenait toutefois qu’aux visiteurs et aux promoteurs, surtout durant le XIXe siècle. Par ailleurs, l’auteur rappelle le caractère autarcique de Charlevoix : jusqu’en 1916, la région n’était accessible que par bateau. Cet isolement en a fait une zone privilégiée pour l’étude du folklore, des traditions et du patrimoine : « Le caractère préservé ou isolé de Charlevoix est donc encore retenu durant les années 1940 pour justifier les enquêtes folkloriques dans cette région ».
Cette étude se lit aisément ; ses références sur l’imaginaire charlevoisien sont parfois littéraires, par exemple La chasse-galerie d’Honoré Beaugrand, et même par extension Maria Chapdelaine (« ces gens sont d’une race qui ne sait pas mourir »). Son cadre conceptuel réfère autant au folkloriste Marius Barbeau, à l’anthropologie historique, qu’à l’historien marxiste Eric Hobsbawn. Les ouvrages de Félix-Antoine Savard (dont Menaud, maître-draveur) et de Luc Lacoursière sont fréquemment convoqués. En réalité, Serge Gauthier propose une relecture des recherches de Marius Barbeau ; il souligne les forces de sa contribution, mais il indique également ses erreurs (surtout sur le plan méthodologique), par exemple le fait que Barbeau ait négligé de considérer certains récits autochtones qui lui semblaient trop proches de ceux venus de France, oubliant ainsi la réappropriation et le métissage qui ont pu s’effectuer durant plusieurs générations. L’auteur analyse aussi les téléromans et les films (de Pierre Perrault et de Michel Brault) évoquant cette région.