Par un bel après-midi à la mer, Pietro Palladini, producteur de télévision milanais, et son frère Carlo, célèbre designer, sauvent deux femmes de la noyade. Une description fort réussie nous montre un homme luttant contre les vagues et résistant à la femme paniquée qui l’entraîne constamment vers le fond.
Pendant ce temps, l’épouse de Pietro, Lara, est victime d’une rupture d’anévrisme. Le week-end de bonheur parfait se termine donc dans la douleur : un mari perd sa femme et une enfant de dix ans, sa mère.
Étonnamment, le père et la gamine poursuivent leur vie comme si de rien n’était… à un détail près : Pietro a décidé de travailler dans sa voiture, devant l’école de sa fille, où il passe désormais toutes ses journées. Voilà une réaction qui ne passe pas inaperçue ! D’abord, c’est la famille qui s’inquiète, puis les collègues. Enfin, c’est tout le quartier qui jase…
Chaos calme est le récit singulier d’une douleur qui ne vient pas : « Nous […] ne souffrons pas encore ; nous accusons le coup comme ça, pour le moment, et même je dirais que nous ne l’avons pas encore accusé, nous tournons autour ». Pourtant, certaines personnes pensent le contraire et, sous prétexte de partager un moment la détresse du jeune veuf, elles viennent tour à tour se confier à lui et déverser leurs propres malheurs dans son oreille bienveillante. La voiture de Pietro, quand ce n’est pas un banc du parc, se transforme donc en confessionnal, en cabinet de psychologue : « Cet endroit est prodigieux : un mur des lamentations, sans le mur ».
À l’image de cette femme qui tirait vers le fond son sauveteur, les personnages qui défilent tour à tour devant Palladini l’amènent au bord de leurs propres gouffres mais, toujours, Pietro résiste. Ce n’est qu’à la toute fin, lorsque sa fille lui fait une confidence, que le père se réveille de cette espèce d’engourdissement où il s’était réfugié.
Dans cette chronique d’une douleur annoncée, Sandro Veronesi sonde l’âme humaine aux prises avec ses doutes, ses craintes et ses chagrins.