Fuyant la guerre d’Indépendance américaine, des familles loyalistes auraient amené avec elles leurs esclaves noirs. Parmi ces familles, les Luke se seraient installés au Québec, dans Brome-Missisquoi, où existeraient encore les preuves d’un cimetière d’esclaves. Dans le site de Nigger Rock à Saint-Armand-Ouest seraient ensevelis les esclaves qui travaillaient à la fabrication de la potasse.
Roland Viau retrace l’histoire des Luke en présentant de nombreuses preuves circonstancielles de l’existence du cimetière d’esclaves. Solidement appuyées par la tradition orale, les preuves réussissent à convaincre le lecteur. Mais elles ne sont pas irréfutables puisqu’il faudrait entreprendre des fouilles minutieuses sur un terrain privé. C’est là que le livre de Roland Viau nous intrigue.
Car une certaine amnésie volontaire semble s’être faite sur la question. Durant plus d’un siècle, il n’y avait que la tradition orale basée sur les ouï-dire pour attester la véracité de l’esclavage à Nigger Rock. L’auteur a voulu corriger cette lacune par une longue recherche d’archives. En retraçant un testament, puis un inventaire des biens de la famille Luke, les pièces du puzzle s’agencent enfin. Les documents exposés dans le livre laissent effectivement croire à l’existence d’un « cheptel humain ».
Roland Viau explique très bien ce qu’était la vie de ces esclaves. Les photos des vestiges d’un four à potasse donnent d’ailleurs beaucoup de crédibilité à ses descriptions. L’auteur, qui nous conduit dans le monde du coton et de la potasse, réussit à faire surgir en nous l’image des esclaves emmenés de force dans la région de Brome-Missisquoi.
Un livre intéressant qui nous force à réfléchir. Après la lecture de Ceux de Nigger Rock, on ne peut s’empêcher de se demander si d’autres cas d’esclavage au Québec auraient eux aussi profité de cette étrange amnésie volontaire.