« La mémoire coûte cher », constate l’autrice dans le premier vers de son recueil, tandis que le dernier affirme que « tu ne reviendras jamais nous voir ». Entre les deux vers, une quête de sens : qu’en est-il de la vie, de la mort, de l’amour ? Questions fondamentales que se pose la jeune poète dans ce qui constitue son premier livre.
Le recueil se divise en cinq sections aux noms évocateurs des thèmes choisis par Joanie Serré, comme autant de moments dans sa réflexion. Des mots clés, ambigus, mais qui illustrent le cheminement de la poète : « Écume », « Les impairs », « Parasite », « Osmose », « Au revers ».
Si elle peut affirmer : « je viens d’une dimension où les poissons rouges ne meurent pas », l’endroit où elle veut aller n’est pas clair. Les souvenirs la bousculent, l’entraînent sur des chemins sans contour alors que se pose la question : « qui suis-je sauf / une explication qui aurait dû passer par / les yeux sauvages / par la rédemption habituelle ». Les textes cherchent à approfondir ces deux constats, tout en se heurtant à la difficulté qu’éprouve la poète de voir clair en elle, d’un côté parce que « je ne sais pas où est l’imposteur / dans mes pièges foulés » et de l’autre parce que « j’habite un mensonge qui me fait obstacle ».
Ces textes, qui forment la première partie du recueil, servent d’assise à ceux des quatre autres parties. Tour à tour, elle explore sa relation avec les hommes, avec sa mère, avec son environnement et, plus largement, avec la société. Plutôt que de décrire ce qu’elle ressent, elle le livre par des images, des fulgurances, des impressions, un peu comme une peintre applique des couches de peinture sur sa toile pour en faire ressortir des textures, des images, des mouvements.
Joanie Serré a le sens du rythme, se servant de l’ellipse pour relancer ses vers et introduire des relations entre réalisme et métaphore : « je me frotte les yeux aussi fort que je peux / fais apparaître les échelles du passé ». Cette recherche du passé se confond avec la volonté de s’arrimer au présent : « noie-moi où le silence et la fin se tiennent tremblants / perdue dans le cirque de ma robe noire / cette peur précise ». Une peur qu’elle apprend à nommer, mais qui demeure présente tout au long du recueil.