Serge Bouchard a publié une dizaine d’ouvrages, seul ou en collaboration avec son ami, anthropologue comme lui, Bernard Arcand. Il est également animateur à la radio de Radio-Canada. Son dernier livre, C’était au temps des mammouths laineux, compte 25 essais ayant déjà été publiés dans des périodiques ou dans un ouvrage collectif.
« Je suis un grand-père du temps des mammouths laineux, je suis d’une race lourde et lente, éteinte depuis longtemps », affirme Serge Bouchard. C’est-à-dire qu’il est de l’époque où les draveurs sautaient de billot en billot et où le temps ne se livrait pas encore à une course contre la montre. Ses textes révèlent un homme qui chemine volontiers loin des sentiers battus : passion précoce pour les autobus du temps où ils étaient bruns et pleins de rondeurs, avant qu’ils ne soient remplacés par des véhicules « anguleux et sans âme ». Étudiant en anthropologie, il rêvait du Grand Nord, d’aller au « pays des Esquimaux ». Plus tard, sa thèse de doctorat porte sur « la culture des camionneurs au long cours ». Diplômé, il devient « consultant, mais en réalité […] sans emploi, endetté jusqu’à la moelle épinière ».
La prose de Serge Bouchard a une saveur particulière, qui ne ressemble à nulle autre. Les sujets qu’il aborde sont souvent, eux aussi, singuliers. Pourtant, par sa façon de les traiter, il réussit toujours à susciter l’intérêt. Qu’il soit question de ses amis Bernard Arcand ou Petit George, de l’Outarde, de sa mère âgée qui attend la mort, de Pancho Villa, de l’Oregon ou de personnages oubliés de notre histoire, on est chaque fois captivé, et parfois ému. C’est notamment le cas avec son magnifique texte « La mort est un chat », où il raconte le combat de sa femme, qui a dû faire face à cinq cancers avant d’être finalement terrassée à seulement quarante-sept ans. Quelques jours plus tard, lors d’un repas chez des amis, il a vu leur chat sur la pelouse s’amuser avec une souris. Il raconte avoir été alors saisi d’une incontrôlable crise de larmes. S’adressant à sa femme, il explique : « […] ce n’était pas toi dans la mort qui me faisais pleurer, c’était toi dans les griffes du chat ». Avec fatalisme, il ajoute cette remarquable réflexion : « Un chat est un chat. Nous mourons aux chats, aux balles perdues, au simple temps qui passe ».