Les lecteurs et lectrices qui auront le réflexe de reposer C’est pourquoi meurent les jardins en en apprenant le propos commettront une grave erreur.
La raison d’être de ce recueil de poésie-documentaire, soit la honte d’être infertile, légitimise son existence : comment ne pas être touchée par toutes ces femmes qui admettent détester leur corps, qui racontent comme leur deuil est réduit au silence, qui disent être consumées par la honte ? Plusieurs, parmi ceux et celles qui effleureront la quatrième de couverture de ce livre, se diront que le sujet ne leur appartient pas, qu’il ne les regarde pas, et pourtant. C’est pourquoi meurent les jardins nous montre bien que la honte qui trouve ses racines dans la collectivité doit cesser de n’être portée que par quelques-unes.
Du haut de ses 86 pages épurées, où j’ai sans cesse été témoin de la force que peuvent contenir quelques lignes, ce recueil m’a rappelé non seulement le pouvoir, mais surtout la nécessité de la littérature. Nécessité de se mettre à la place de l’autre, d’être capable d’éprouver de la compassion, même et surtout à l’endroit de ce qui ne semble pas nous concerner.
Devant le deuil partagé par les collaboratrices de ce recueil, lisant les réflexions de ces femmes qui se sentent moins qu’une à cause de l’impossibilité d’être deux, on aura souvent le réflexe de vouloir répondre qu’être une femme, c’est plus qu’être une mère. Mais s’il y a bien une leçon à tirer de C’est pourquoi meurent les jardins, c’est qu’au final, ça n’a pas d’importance aux yeux de celle qui vit la mort. L’impossibilité de se voir en tant que femme sans être d’abord mère : voilà qui prouve l’amplitude de la peine de ces femmes qui ne nous demandent que de reconnaître leur deuil ; de comprendre que, parfois, le deuil de ce qui n’arrivera jamais est aussi difficile, même plus, que celui de ce qui n’arrivera plus.
C’est pourquoi meurent les jardins aborde un sujet important, un tabou qu’il contribuera certainement à lever. Le recueil est très touchant, possiblement trop pour certaines. Toutefois, pour celles qui sont épuisées de mener leur combat seules et en silence, la lecture s’avérera probablement être un petit baume.