Trois voix se font entendre dans le deuxième roman de Stéfani Meunier. Pourtant, elles disent sensiblement la même chose. Le musicien Sean parcourt l’Amérique du Nord en chantant dans un groupe et profite de ses arrêts new-yorkais pour rejoindre son ami casanier, Ralf, chez qui il peut déposer ses valises et se reconstruire un domicile. À ce duo sédentaire/nomade, si caractéristique de la littérature québécoise contemporaine, se greffe un troisième personnage, Héloïse, qui chamboule l’existence équilibrée des deux copains. Compagne de Ralf, chez qui elle s’établit, Héloïse prend Sean en grippe, avant que ses sentiments ne migrent. L’image du triangle amoureux n’est pas très loin.
Leur histoire est racontée successivement par les réminiscences de l’un ou l’autre des protagonistes dans ce New York des années 1960 et 1970 où les Beatles (présence musicale qui rappelle L’étrangère, le précédant roman de l’auteure) dominent la scène culturelle et influencent directement les personnages. Ainsi, les points de vue ne sont pas confrontés, rarement les mêmes événements sont explicités par plus d’un narrateur ; chacun semble prendre le fil du récit là où son prédécesseur l’avait laissé. Il en résulte un roman à trois voix qui se lit comme un seul récit, sans perspective divergente sur les incidents évoqués. Cette impression est renforcée par le fait que l’écriture, bien menée et précise dans l’expression des menues transformations intérieures des protagonistes, semble, à quelques détails près, la même pour les trois voix. Alors que des récits parallèles devraient mettre en évidence des distinctions de styles, de caractères, de visions du monde, il se dégage plutôt de Ce n’est pas une façon de dire adieu un mouvement convergent à partir duquel Sean, Ralf et Héloïse passent par des tourments similaires et des réactions qui coïncident. Si les émois de chacun échappent à la facilité et aux stéréotypes, il apparaît toutefois agaçant et intéressant de présenter des témoignages aussi similaires, comme s’ils étaient une manière d’indiquer une communauté de vision dans un drame sur l’éclatement. Il n’en demeure pas moins que le style général de l’auteure, bien travaillé, cache trop les particularités des personnages pour que ceux-ci soient totalement tangibles et qu’ils prennent forme pour le lecteur.