Une grande douceur empreint ce recueil. On dirait une méditation née d’escales sur une terrasse qui donne sur une ruelle comme il y en a tant à Montréal. Rien d’extraordinaire.
On est loin de l’angoisse, des déchirements, des désirs inassouvis des recueils précédents. Non pas que tout soit devenu rose par magie, c’est plutôt que, tout simplement, l’âge peut conduire à une certaine sagesse et à un détachement des contingences. Car si dynamique soit-il, Morin Rossignol vieillit… Et son regard sur le monde et sur lui-même se transforme : « Une pluie vient laver les scories du jour et arroser mes plantes annuelles. Le Ciel m’aime, je crois ». Comme l’affirme le titre de la première des quatre parties, « Tout est propice ».
« Sur la terrasse » se présente comme un « dialogue » entre la page de gauche et celle de droite. À droite, les réflexions qui naissent de sa présence sur la terrasse de son appartement. Une terrasse enrichie de fleurs, animée par les cris d’enfants. Il y passera de longs moments, écrivant, tout au long de l’été : « Je reste ici à égrener les minutes, sirotant le temps strié de points d’interrogation ». C’est le temps qui est au centre de la page de gauche, chaque texte se terminant par « le temps qui passe ». Évocations de son enfance et d’une façon générale de sa vie et de ses amours, ponctuées par une réflexion sur l’écriture : « [E]t je pioche mes mots comme mon oncle Albert piochait sa terre nourrice ». Une touche de nostalgie baigne ses propos.
« Sous la pergola » le plonge dans un fantasme sexuel qui demeurera fantasme. Deux ouvriers construisent une pergola chez sa voisine. Deux jeunes hommes, qu’il surnomme Satyre et Centaure, enflamment son désir. Pieusement, il tient son journal de bord durant les quatre jours que dure la construction. Il s’amuse de son désir en imaginant des situations qui lui permettraient de l’assouvir.
« Tout est accompli » voit l’été céder la place à l’automne, ce qui n’est pas sans évoquer l’automne de sa vie : « Ici, sur la terrasse, je suis le deuil qui ne veut pas mourir, je suis les années-lumière du passé, et l’avenir, et la fulgurance du présent, et la renaissance d’un crépuscule coulant derrière l’horizon jusqu’à l’aube prochaine, et je n’attends plus rien que demain ».
Les mouvements du quotidien, l’odeur des fleurs que la brise transporte. Le plaisir qu’il y a d’être là, dans l’ombre du soleil couchant. De sentir, d’écouter, de regarder, et d’écrire ce que l’on ressent. Ainsi en est-il de ce très beau recueil de poésie en prose que nous propose Rino Morin Rossignol.