Sur l’album Sad Songs for Dirty Lovers, le chanteur du groupe The National pousse de sa voix plaintive un « Cardinal song » inspiré, une ballade déchirante sur un amour impossible. Est-ce cette même piste qui inspire à Vincent Giudicelli son premier roman ?
Chose certaine, son Cardinal song se présente lui aussi comme une chanson triste sur des amants paumés que l’éloignement géographique et sentimental sépare. Tous les personnages sont d’ailleurs seuls dans ce livre, orphelins égarés, solitaires et sans attache. Ils ont renoncé à l’héritage de leurs parents, renoncé aussi à la famille et à la transmission filiale.
Peut-être en raison de cette filiation rompue, le no futur devient le credo de cette génération sauvage qui s’ébat vainement, perplexe devant l’avenir. Marie et Laura errent parmi tous les continents, tandis que Norman s’explose le cœur à grands traits de cocaïne. Puis Marie tente de rétablir cet équilibre rompu en se lançant à la poursuite de son père. Bientôt, c’est au narrateur de se lancer à la recherche de Marie, entre la Tunisie, le Vietnam, la France et les États-Unis où il retrouvera lui-même le père de son amoureuse, un peintre vivant dans une modeste maison mobile bercée par le vent cuisant du désert de Mojave. Comme pour sanctionner cette rupture familiale définitive, les amoureux font ensuite l’expérience d’une autre révélation à quelques pas d’une faille creusée par une secousse sismique : l’expérience de la solitude à deux.
Étrange et déroutant, le récit de Giudicelli a ce quelque chose des univers décalés de David Lynch dont le Wild at heart – une autre histoire de dirty lovers – est cité en exergue. On y trouve également une bonne dose de cette carte postale américaine que l’on propose aux touristes pour qu’ils retrouvent l’Amérique de leur salon, les images d’Épinal qui les font tant rêver : « La rumeur incessante de Los Angeles, ce roulis pneumatique qui s’enfonce jusque dans les rêves, laisse place au silence du Nevada au petit matin. Le long de Dean Martin Drive, le jour naissant blondit les façades platine de l’hôtel Mandalay. […] L’ombre des magnolias se répand en flaques sur le parking du motel. Le moteur éteint de mon épave émet ses cliquetis de chaleur et des effluves caramélisés de caoutchouc ». Du déjà vu, disais-je ? Du rarement lu aussi, faut-il encore ajouter, tant cet air connu, par moments, se fait diablement séduisant.
CARDINAL SONG
- Annika Parance,
- 2017,
- Montréal
268 pages
24,95 $
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