Il y a des romans qui démarrent très lentement puis s’accélèrent et l’on se retrouve alors captif jusqu’à la toute dernière ligne. D’autres, à l’inverse, démarrent à vive allure mais bientôt quelque chose se met à ralentir, à ne plus sonner aussi juste et on a envie de descendre au prochain arrêt. Le second roman de Michèle Halberstadt, Café viennois, fait partie de cette dernière catégorie. Et c’est très dommage.
Deux femmes, Frieda et Clara Hartman, la mère et la fille, se rendent à Vienne pour quelques jours. La première souhaite revoir sa ville natale et recevoir les indemnisations accordées par le gouvernement autrichien d’après-guerre aux juifs chassés du pays par l’Anschluss. Sa fille voit ce séjour comme une découverte de ses origines et une étape significative dans le deuil difficile de son deuxième enfant mort en très bas âge. Ce voyage à Vienne aura d’ailleurs de telles répercussions intérieures en Clara qu’elle y retournera, cette fois seule, à la faveur d’un reportage qu’elle doit réaliser sur Orson Welles et le film Le troisième homme tourné dans la capitale de l’ancien empire austro-hongrois.
Dès les premières pages, Michèle Halberstadt accroche ses lecteurs. Elle campe avec aplomb ses personnages principaux, introduit subtilement les méandres de leur vie intérieure et juxtapose de façon très habile le récit des souvenirs de Frieda et celui, contemporain, de Clara. Mais à la moitié du roman, l’intérêt s’émousse. Les personnages se désincarnent, on n’entend plus leurs voix respectives. Le récit des souvenirs de Frieda ne devient plus qu’une narration sans relief composée d’une suite d’anecdotes sur la fuite de sa famille pour échapper à la Gestapo. Les réflexions de Clara sur ce qu’elle découvre de sa mère et sur son deuil restent en surface.
En fait, tout se passe comme si Halberstadt l’écrivaine, Halberstadt la biographe d’Isabelle Adjani, et Halberstadt l’ex-journaliste et rédactrice en chef du magazine Premièresur l’actualité cinématographique tiraient chacune dans des sens opposés au cœur même du texte. Si l’écrivaine gagne dans la première moitié du roman, la biographe et la journaliste imposent leur ton et leur manière dans la deuxième et le lecteur décroche.