Dans son premier roman – après de la poésie et des nouvelles primées –, Claire Boulé a choisi un ancrage fait de repères convenus : la crise d’Octobre, mais aussi le printemps érable.
Même l’époque du Refus global est brièvement évoquée au premier chapitre du Bruit sourd des glaces, un peu comme un prologue décentré : « Borduas lit la lettre qu’il vient de recevoir. Lui aussi envisage de partir ». Le roman débute par un drame irrésolu : un soir d’hiver, Monique constate qu’un passager au capuchon immense s’est jeté en bas du traversier reliant Lévis et Québec. Cet événement tragique auquel le titre fait allusion obsédera Monique à divers moments de sa vie.
Roman de l’américanité, voire de la canadianité (par sa touche de bilinguisme, introduite par le personnage du guitariste Allan) et du voyage, Le bruit sourd des glaces ressemble parfois à un road movie. L’atmosphère des années 1970 est restituée familièrement ; on pense parfois à un vieux film de Gilles Carle, de Jean-Guy Noël ou de Clément Perron en lisant ces pages empreintes de québécitude et de recherche de soi. La nature, la musique d’Elvis Presley – qui venait alors de mourir – et le blues de Robert Johnson, mais également la drogue dans toute sa banalisation, parfois même pour tromper son appétit, y sont présents. On revit rétrospectivement la bohème d’une jeunesse désœuvrée de la période post-hippie, l’atmosphère du Bar L’Élite, à Lévis, et les locations de chalets d’été près d’un lac dans les Laurentides. Le style de Claire Boulé se caractérise par un goût pour l’errance féminine (un peu comme dans les films d’Antonioni) et une grande quantité de lieux évoqués : Trois-Rivières, Saint-Tite, La Tuque, Vancouver et Victoria, Québec et Montréal, ou encore Londres.
Roman hybride, Le bruit sourd des glaces intègre dans sa narration quelques pages extraites des carnets intimes de son amie Claudie ; c’est ce qui fait son originalité. On reprochera cependant l’accumulation de moments charnières comme cette évocation presque gratuite du felquisme ou même de la crise d’Oka, qui servent de balises artificielles à la trame de fond. À cause de leur surabondance, on les perçoit à la limite de la caricature et du lieu commun, comme si toute une génération de Québécois, par exemple, avait pris activement part au FLQ. Claire Boulé n’a pas besoin d’amplifier l’action et l’intrigue de son roman par le recours à l’histoire ; son écriture soignée devrait suffire pour intéresser son lecteur.
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