Quinze feuillets : voilà le format que devait prendre cette « brève histoire » au départ. L’auteur avait promis un article à la revue XYZ. Or, au bout de quinze feuillets, il n’en était rendu qu’aux années 1860. Ce ne fut finalement pas un, mais trois articles qui virent le jour entre 2013 et 2015. Ce volume de la collection « Réflexion » en constitue la version revue et augmentée.
La nouvelle n’a rien d’un genre mineur aux États-Unis. Les plus grands noms de la littérature américaine, de Washington Irving à Joyce Carol Oates, se sont adonnés, de façon occasionnelle ou assidue, à ce genre narratif bref. Avec une connaissance intime, éblouissante même, du sujet, Renald Bérubé en retrace l’histoire. Le premier chapitre s’étend des débuts des colonies anglaises jusqu’à l’apparition, avec Melville et Poe, d’une « écriture qui s’invente ». Le deuxième, qui va de la guerre de Sécession à la Seconde Guerre mondiale, aborde non seulement de grands classiques (Mark Twain, Willa Cather, Hemingway, Faulkner notamment), mais aussi la naissance de deux genres absolument fascinants : les nouvelles westerns et de baseball. Le troisième chapitre examine, entre 1945 et 1960, l’enjeu des droits civiques chez des nouvellistes du Sud, d’origine juive ou afro-étatsuniens. Le quatrième clôt ce tour d’horizon en abordant, outre d’autres incontournables, de Raymond Carver à Jhumpa Lahiri, différentes facettes de l’histoire de la nouvelle, tels les grands périodiques (The New Yorker, McSweeney’s) et les prix (le O. Henry, le Pulitzer). Cette « brève histoire », on l’aura compris, est formidablement instructive.
L’ouvrage de Bérubé est formidable à un autre égard : par l’enthousiasme qui s’en dégage. Ceux qui connaissent le retraité professeur rimouskois sauront de quoi il s’agit : un humour très fin qui naît d’un émerveillement devant le corpus et qui ne se prive pas pour décocher quelques fléchettes au passage : à « Bush-le-Petit », aux Français (pour qui l’histoire de la nouvelle se résume trop souvent à Maupassant) et à ce journaliste de La Presse capable d’émettre l’ânerie suivante : « Dans l’art de la nouvelle, bien peu d’écrivains ont laissé leur marque ». Le séduisant (et très accessible) ouvrage de Bérubé montre qu’au contraire, la nouvelle est un continent en soi.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...