La partie orientale de la République démocratique du Congo (RDC), en Afrique centrale, est assurément l’une des plus dangereuses qui soient. Région de troubles politiques, région de guerres, région de maladies, ce territoire autour du fleuve Congo, dont le seul nom évoque les fortes images décrites par l’écrivain Joseph Conrad dans son chef-d’œuvre Au cœur des ténèbres, n’est pas pour le touriste de passage. Il faut beaucoup de cran, et particulièrement de la part d’une femme occidentale, pour s’y aventurer pendant une longue période, hors de tout le confort connu chez nous.
C’est donc un tour de force qu’a accompli Nathalie Blaquière, ex-journaliste à Radio-Canada : simplement d’y être allée, d’y avoir vécu, et de rapporter un témoignage. Boursière pour un travail de quelques mois à Radio Okapi, formidable projet financé par l’ONU dans le but de livrer une information de qualité à des régions aux prises avec des conflits, l’auteure livre un compte-rendu détaillé de sa vie là-bas, de ce qu’elle y a vu, ressenti. « Partout, la détresse, la pauvreté et les conflits recouvrent la vie d’une épaisse couche de misère, d’une cruelle réalité. »
Son reportage assouvira la soif de tous ceux et celles qui, comme moi, sont depuis longtemps avides de mieux connaître ce coin de l’Afrique d’où nous parviennent des informations souvent macabres, défiant tous nos repères. Son témoignage nous confirme la déchéance de ce pays : agressions sexuelles, assassinats, enfants soldats, enfants abandonnés dans la rue, tueries, corruption, absence de l’État, gravissimes méfaits de l’armée nationale contre ses propres citoyens, religiosité fiévreuse, et – eh oui – cannibalisme, tout cela existe bel et bien sur ce territoire si singulier. Mais tous ces revers côtoient aussi une bonne humeur teintée d’un humour quasi enfantin.
Les derniers chapitres du livre sont particulièrement bouleversants. À la toute fin de son séjour, Nathalie Blaquière, toujours animée de la passion de mieux percer les mystères du pays, tente de se lier avec un ex-tortionnaire accusé d’avoir tué des soldats de l’ONU, et depuis écroué en prison. On touche, un peu, au passé de l’individu, assez pour mieux comprendre sa vie, entachée de la prégnance de la loi du plus fort, qui est celle, implacable, de ce pays.
Le seul reproche que je puisse timidement faire à l’ouvrage, que j’ai dévoré en quelques heures, sans pouvoir l’abandonner : il ne contient aucune plongée dans le passé du pays, dans son histoire torturée, marquée par le colonialisme et la dictature de Mobutu, et il n’explique pas les sources de son conflit avec le Rwanda voisin ainsi que d’autres enjeux du même type. Mais la réponse à cette critique se trouve dans le titre même du livre : « boules d’ambiance », et sur ce plan, soit une description fine de l’atmosphère qui règne actuellement dans ce Congo si insondable, cet ouvrage bien écrit est à recommander. Chaudement.