Dans Bonsoir la muette, France Martineau nous livre l’histoire épouvantable de France, la fille qui tentait désespérément de s’effacer d’une vie familiale toxique et de la femme qu’elle est devenue, qui s’étourdit dans son travail de peur d’avoir le temps de se souvenir. Dans son premier roman autofictif, l’auteure, professeure à l’Université d’Ottawa et chercheuse de renommée internationale, renoue avec une enfance dénuée d’amour maternel ou paternel.
Réunis au chevet de leur mère M. mourant d’emphysème, les frères et sœurs de France ne s’accordent le droit de vivre cette fratrie que depuis l’agonie de M., dernier épisode d’une relation amour-haine entre M. et P. dans laquelle les enfants ont été exclus depuis leur naissance. Libératrice du joug de cette relation équivoque, la mort de M. délivre avec elle le flot d’encre dévastateur du témoignage de France. Quelques chapitres de cette histoire paraissent flous aux yeux de la narratrice, se situent mal sur la ligne du temps, mais des souvenirs très distincts de certaines odeurs, de textures, de couleurs suffisent pour rendre cette lecture ardue, émouvante, terrifiante… France Martineau met sur papier les bribes d’histoire dont elle se souvient pour chasser les démons qui la hantent depuis son enfance.
Ce court roman nous fait comprendre toute la souffrance vécue par la victime de sévices. Une souffrance muette, presque catatonique, tétanise la fillette de quatre ans qui, déjà qualifiée de folle par les parents et les médecins, veut faire taire les images, les cris, les bruits qui la poursuivent jusqu’à l’adolescence. Parce que ce qu’on ne dit pas n’existe pas… Ou ne doit pas exister.
Bonsoir la muette est un roman difficile aux mots crus, laids, peut-être trop, puisque l’envie nous titille de le fermer à tout moment pour nous réconforter dans le déni. Au terme de la lecture, il y a ce sentiment de haine envers tous les personnages adultes qui se sont tus et celui d’une compassion sans bornes pour France, une jeune fille comme plusieurs autres, victimes d’inceste, de violence psychologique et de harcèlement.
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