Peu d’écrivains entreront dans le XXe siècle comme Blaise Cendrars. Il vivra en Suisse, en Égypte et en Italie, perdra son bras droit à la guerre de 1914-1918 (ce qui l’obligera à apprendre à écrire de la main gauche), voyagera en Russie, à New York et au Brésil et, finalement, mènera une vie de misère à Paris dans l’ombre des Ravel, Debussy, Modigliani, Chagall, Apollinaire, Cocteau, Gide, Proust.
Dans une récente biographie intitulée Blaise Cendrars, La vie, le verbe, l’écriture, Miriam Cendrars – fille cadette du légendaire bourlingueur – nous présente l’évolution de celui qui allait devenir une figure mythique de la littérature du XXe siècle. Né en Suisse en 1887, Cendrars meurt à Paris en 1961. C’est une longue et permanente instabilité, presque une démangeaison existentielle, associée à une misère matérielle constante, qui décrit le mieux l’ensemble de la vie de l’auteur de Prose du transsibérien.
C’est un être profondément contradictoire que l’on découvre dans cette biographie au ton, toutefois, généralement compatissant. En effet, la cadette de Frédéric Louis Sauser, alias Blaise Cendrars, ne semble pas en vouloir à son père d’avoir négligé femme et enfants pour se consacrer à « son œuvre ». Il est pourtant difficile, à la lecture du récit entrecoupé d’extraits des œuvres de Cendrars, de rester insensible aux difficultés de la vie quotidienne de Féla Poznanska, première femme de Cendrars, qui, seule avec les trois enfants, mais légalement dépendante de son mari, navigua sans le sou, d’un pays à l’autre, entre les guerres.
Cendrars, avec son style « rapide comme une séquence cinématographique, sonore et syncopé comme une musique de jazz-band, polychrome comme une affiche publicitaire, rythmé comme la trépidation d’une machine », fait aujourd’hui partie de la mythologie littéraire. Son œuvre et sa vie, unies dans la misère, ont contribué à la création d’un certain idéal romantique auquel plusieurs rêvent encore avec envie. Toutefois, derrière ces volutes de brumes mythifiées se cache une réalité pleine d’inégalités, de restrictions, de conflits armés et d’autres violences.