Intrigué par le titre – preuve que cela compte –, puis par le point de vue des éditeurs – on finit toujours par le lire –, je me suis plongé dans ce recueil de neuf nouvelles, premier livre publié par Karen Köhler, actrice, illustratrice, auteure de pièces de théâtre, peut-on également lire sur la quatrième de couverture.
Difficile de ne pas être dubitatif devant pareille déclinaison quand, de surcroît, la presse allemande a dit beaucoup de bien de ce recueil. J’ai donc amorcé la lecture de Bêtes féroces, bêtes farouches avec certaines attentes (ce qui n’est jamais la meilleure attitude pour aborder une œuvre). J’ai rapidement été agacé à la lecture de la première nouvelle, « Il comandante », tant par le propos, le ton, le style résolument nouvelle écriture. Âgée de 33 ans, une jeune femme, que l’on devine vive et jolie, vient de subir une opération pour traiter un cancer de l’intestin. En plus de se retrouver avec une poche externe, qui lui expose, ainsi qu’à ses intimes, ses derniers repas avalés sans appétit, elle doit maintenant affronter de nouveaux traitements de chimiothérapie, tout en sachant que plus personne ne la désirera, à commencer par son petit ami qui ne lui donne plus signe de vie. Les échanges avec le médecin, mais surtout ceux avec cet autre patient surnommé « Il comandante », à l’allure d’un pépé pop star, nous plongent dans un univers de bons sentiments jusqu’au cou. La poche est pleine. D’où l’agacement premier puisqu’on appréhende rapidement le déroulement de l’histoire et que rien n’intervient pour nous inciter à faire amende honorable. Bon, on se dit qu’il y a quand même un ton, une manière de raconter une histoire qui n’est pas sans efficacité ni qualité. On poursuit. La seconde nouvelle, « Cow-boy et Indien », nous plonge (bis) en plein désert du Dakota du Sud ou du Nord, peu importe. Une jeune fille (bis) vient de miraculeusement échapper à une tentative de viol et se retrouve seule dans ce désert. Seule, sans nourriture et sans eau. La mort assurée, quoi. Apparaît alors, comme dans un rêve, un Indien qui lui vient en aide. Un peu cliché, certes, mais lentement se dessine sous nos yeux une autre trame narrative, non plus une histoire de bons sentiments et de bon Indien qui vient à la rescousse d’une jeune femme, belle et blonde, réplique de celle de la première nouvelle dans un autre cadre, mais plutôt l’illustration de la fragilité humaine, de l’exclusion, de la brutalité de la vie en société lorsqu’on affiche sa différence. La chute nous laisse muet et l’on sait que l’on poursuivra la lecture du recueil d’un autre œil. Le troisième texte prend la forme d’une série de cartes postales qui nous racontent, par bribes, une histoire d’amour qui trouvera son épilogue à Stromboli. On comprend mieux, à partir de là, pourquoi ce recueil a eu autant de succès, et cela tient à ce qui nous agaçait au début : le propos, le ton, le style. Le côté feu d’artifice. Le recueil se termine par un texte, « Exhume-moi », qui emprunte au conte sa forme et le contenu qu’il livre : le début et la fin d’un monde, comme l’écriture parvient parfois à nous y faire croire. « Tu es celui qui m’aura trouvée. Je t’adresse ce que j’écris. » Ainsi commence le texte.
Je n’irai pas jusqu’à prétendre que ce recueil est un…, mais il mérite davantage qu’un simple détour. Ne serait-ce que pour secouer le lecteur féroce et farouche tapi en chacun de nous.
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