Rose est jeune, obèse et en fugue. Prête à tout pour retrouver sa mère disparue et surtout prête à fréquenter n’importe qui, comme le caïd Fuentes et son Beretta, justement. Quatrième parution de l’écrivain Pierre Gagnon, Beretta, c’est un joli nom est un roman sur la communication ou, plus justement, sur la non-communication, et surtout, sur l’espoir.
En compagnie de sa truie nommée Le petit, dont on ne sait trop s’il s’agit d’un mâle ou d’une femelle, Rose quitte son père et la ferme porcine familiale, à la recherche de sa mère disparue lorsqu’elle n’avait que deux ans. Elle a connu Fuentes sur le Web, lors d’un appel au secours : « Je vis seule avec mon père – je suis obèse – je recherche ma mère… », auquel il a répondu : « Je sais où elle se trouve ». Mensonge invraisemblable que Rose a bien voulu croire. Comme elle a bien voulu se montrer nue, exhibant ses rondeurs devant une webcam, à l’intention de pervers dont le caïd tirait profit, bien entendu.
Si la recherche obsessive de l’un ou l’autre de ses « bios » n’est pas une thématique nouvelle, le traitement que Pierre Gagnon en fait fascine, amuse ou décourage totalement d’encore garder espoir en l’humanité. C’est selon.
Situant l’action de son roman dans un univers déjanté à souhait, l’auteur y présente une galerie de personnages tous plus attachants les uns que les autres. À commencer par les vieux bricoleurs du commerce Répare-Tout qui ont servi de gardiens d’enfants à Rose lorsqu’elle était petite, en passant par les jumelles Charlotte et Joëlle, plus ou moins abandonnées à leur sort par leurs parents séparés, débordés de travail. Les deux sœurs pratiquent le plus vieux métier du monde : « Il n’est pas rare d’avoir à sauter un repas pour aller faire un client. Faut qu’elles se tiennent prêtes, les jumelles. Ponctualité et discrétion sont les mamelles de ce boulot si l’on peut dire ».
La vie de Rose est compliquée. Difficultés de communication avec son père et perte de son amie Cindy : « Ils avaient séquestré mon amie en appelant cela de la réhabilitation ». Quant aux éventuelles retrouvailles avec sa mère Hélène, Rose ne les entrevoit pas avec sérénité. Celle-ci dirait : «Tu veux de l’amour ? Puisque tu y es, regarde un peu dans le frigo s’il en reste, des fois, de l’amour. Quelqu’un a dû en laisser une part, entre le Pepsi et le beurre ». Ce à quoi Rose répondrait l’inévitable : « Pourquoi m’avoir abandonnée ? »
Pierre Gagnon vit à Québec depuis les années 1960, où il a étudié au Conservatoire de musique. Musicien avant tout, il gagne sa vie en tant que compositeur. L’année 2002 marque un tournant dans sa vie. La maladie l’amène à l’écriture. Sa lutte contre le cancer, puis sa rémission, font l’objet de ses deux premiers titres, très bien reçus par le public et la critique, 5-FU et C’est la faute à Bono.