Jean Daniel est éditorialiste au Nouvel Observateur, journal qu’il a contribué à fonder en 1964. C’est surtout l’éthique journalistique d’Albert Camus – en plus de toute la pertinence et de l’actualité de son œuvre -, qu’il tente ici de mettre en lumière. Cinquante ans après sa mort, Camus nous interpelle toujours tant dans nos pâles certitudes que dans notre affreuse bêtise…
Camus a toujours désiré comprendre les contradictions et les opacités de son temps afin de guider ses semblables dans les curieux dédales de notre monde. C’est pourquoi nous ne pouvons cesser de faire appel à lui : il est « là »… en ce qui touche les « aventures de la vérité ». Et celles-ci contre l’« air du temps » qui peut être asservissant, aliénant – l’intellectuel marche en « solitaire » mais « solidaire » des souffrances de l’autre. On se rappellera la fameuse phrase de L’homme révolté : « Je me révolte, donc nous sommes ».
Du journaliste au philosophe, Camus apparaît à Jean Daniel comme un être multiple qui fait face à l’absurdité d’un univers figé dans ses aberrations. Camus, avant son décès, aurait confié que son œuvre n’était qu’une prémisse de quelque chose à venir… Toujours est-il que cet écrivain pluridimensionnel reste un « écrivain-guide », même s’il est d’une autre époque, celle où la littérature se devait d’être « engagée ». Et ce sera, on l’a dit, au Camus « journaliste » – directeur de Combat jusqu’en 1947 – que Jean Daniel s’intéressera, à son éthique spécifique qui recommande de s’affranchir du pouvoir de l’argent-roi, de cesser d’être mutilé par un quelconque carcan idéologique ou commercial, d’écarter, en somme, toute forme de « vulgarité » propre, justement, à 1’« air du temps ». En 1944, Camus avait déjà élaboré une conceptionjournalistique fondée sur l’« information-critique ». On devinera aisément ce que cela vaut pour l’« aube convulsive » de notre début de millénaire en quête d’un « sens » qui, a dit Camus, n’existe point dans l’Absolu, qu’il soit d’ordre théologique, philosophique, idéologique ou politique.
Cet ouvrage ne constitue pas une introduction à la vie et l’œuvre d’Albert Camus, mais s’avère plutôt une analyse éclairée et respectueuse des principaux thèmes et enjeux de celles-ci. C’est un livre documenté, d’une écriture sobre et élégante, qui nous incite à revisiter Camus.