La préoccupation écologique de Louis Hamelin ne date pas d’hier, et il était écrit qu’un jour il en ferait tout un roman.
Elle irriguait déjà la révolte du héros du premier roman de l’auteur, La rage (1989). Dans Le joueur de flûte (2001), la quête initiatique du personnage se mêlait à un militantisme pour la défense de Mere Island et de ses territoires autochtones contre les ambitions voraces d’une compagnie forestière. Mais si, dans ce roman, l’empreinte écologique était explicitement revendiquée, elle ne prenait pas encore cette dimension impérieuse et totalisante qu’elle reçoit dans le dernier roman de l’auteur.
Autour d’Éva raconte la résistance d’une petite équipe d’environnementalistes au projet de construction d’un vaste complexe récréotouristique dans une forêt de l’Abitibi. Le projet prend forme près de Maldoror, petite ville natale d’Éva Sauvé, qui y revient après dix ans passés à Montréal. Pour refaire le plein d’énergie, elle s’est installée seule dans le chalet de son père sur les bords du lac Kanagoma, en pleine forêt. Dan Dubois, acteur célèbre et maintenant documentariste, devient rapidement son amant ; ils forment le groupe militant Autour, voué à contrecarrer le projet immobilier de Lionel Viger, promoteur sans scrupules, fourbe et rusé, qui a su nouer de précieux contacts au sein du gouvernement. Voilà pour l’anecdote, qui ne nécessite pas qu’on en dise davantage.
Le joueur de flûte n’était pas un très bon roman. Autour d’Éva l’est encore moins, pour ne pas dire plus. Est-ce l’insertion trop insistante de la trame militante qui fait problème ? Peut-être. La constellation du lynx (2010), dont on a fait grand cas en raison du colossal travail de documentation sur la crise d’Octobre qui donnait forme à la trame narrative, n’était pas non plus un bon roman, littérairement parlant. Tout de même, avec un peu de bonne volonté, on pouvait le lire jusqu’au bout. Mais Autour d’Éva défie toute patience. Les personnages, stéréotypés, n’ont aucune profondeur. Les liens entre les scènes et les événements sont terriblement lâches ; tout cela est mal noué, paraît gratuit, et la fragmentation des séquences narratives ne fait que masquer l’absence de souffle et d’inspiration. C’est vide. La langue d’Hamelin, autrefois si percutante, est ici empêtrée dans une sorte d’enflure verbale et une certaine vulgarité insignifiante ; dans la bouche des personnages, ce style est aussi peu naturel qui soit.
Louis Hamelin, entendons-nous, a été un formidable écrivain, et je l’ai célébré dans Louis Hamelin et ses doubles, écrit en collaboration avec François Paré (Nota bene, 2008). Un vrai romancier, capable de raconter des histoires loin de cet exhibitionnisme qui gouverne nos écrivains nombrilistes. Et je n’ai rien contre les romans engagés. Mais j’en ai contre les mauvais romans tout court.
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