Paul Chamberland poursuit avec ce livre son aventure poético-philosophique fondée sur une vision de l’histoire de l’humanité : condamnée à périr, cette dernière a toutefois la possibilité de revenir à sa matrice initiale – la « Terre-Mère » – et d’opérer ainsi une métamorphose, une « transmutation de toutes les valeurs » comme l’a autrefois exigée Nietszche. L’écriture du « poète-chercheur » figure l’entre-deux de l’inévitable Apocalypse et du principe espérance.
Le prologue du recueil, rédigé en 1998, s’adresse à un hypothétique lecteur vivant ou survivant… en ce siècle qui commence. Ce personnage – figure de l’avenir ? – habite un univers soit brisé par ses aliénations ou émancipé, hors de celles-ci. Ce lecteur va transformer le poète en véritable « Oracle » capable sans difficulté d’imaginer le monde d’un « nouvel âge des ténèbres ». Comme dans Le froid coupant du dehors, Géogrammes 3 (L’Hexagone, 1997), l’humanité est condamnée à l’absolu gâchis plutôt qu’à une renaissante aurore… À cet égard, le titre devrait comporter plusieurs points d’interrogation à cause, justement, de cette folle course vers l’Abîme.
Toujours est-il que nous apparaissons à peine humains, terrifiés par notre Bêtise, désespérés par une incapacité de surmonter les horreurs de notre temps. « J’entends / l’immense clameur muette / murée en chacun, / nouée dans ce trou d’entrailles / béant qui désormais / ne se refermera plus. / J’entends le chaos de terreur et de sang / qu’est devenue la Terre. » Une certaine lumière émerge, parfois, de ces froides ténèbres mais disons que la résurrection de notre pauvre humanité souffrante n’est pas pour demain… malgré un réel désir d’entrevoir la beauté du monde.