Douée, c’est le moins que l’on puisse dire de la primoromancière américaine d’à peine vingt ans. En 2022, son livre figurait sur la liste longue du prestigieux Booker Prize et avait été sélectionné à l’Oprah’s Book Club ; dans l’un et l’autre cas, elle était la plus jeune autrice jamais retenue.
En France, la même année, les 130 libraires et bibliothécaires du jury du Prix Page/America – qui récompense le premier roman d’un Nord-Américain – ont couronné Arpenter la nuit, de la prodige californienne. Pour créer son personnage de Kiara, Mottley s’est inspirée d’un cas d’exploitation sexuelle, un fait divers malheureusement bel et bien advenu en 2015, mettant en cause la police d’Oakland.
Née en 2002, l’autrice n’avait que dix-sept ans quand elle a entrepris de dénoncer la brutalité, la cruauté et les aberrations attribuables à des policiers à l’endroit d’adolescentes noires, ceux-ci en ayant abusé de mille façons. Son livre coup de poing entraîne le lecteur dans un monde que celui-ci ne veut pas vraiment connaître, mais qui existe pourtant. Avec lucidité, Mottley raconte le courage que manifeste Kiara Johnson pour survivre à sa vie misérable, alors que tous se refusent à la protéger.
Sans ambiguïté aucune, l’autrice donne le ton à l’ouvrage dès la première phrase : « La piscine est pleine de merdes de chien ». Quand l’adolescente tombe entre les mains malfaisantes des autorités, on ne saurait être surpris, tant la piscine est la métaphore de sa triste vie. Ses tortionnaires ont toujours été clairs : « ̒Non̕ » ne fait pas vraiment partie des options pour ce soir. Il nous faut une fille, il les aime jeunes et on n’a pas le temps d’en dégoter une autre ».
Kiara ploie sous les responsabilités depuis la mort de son père, l’emprisonnement de sa mère et, éventuellement, aussi celui de son grand frère Marcus. Heureusement, côté soleil, elle peut compter sur l’affection de son amante et amie Alé et de son petit voisin Trevor, neuf ans, dont la mère n’a d’autre intérêt dans la vie que le crack. Tous vivent d’expédients, dans des appartements miteux d’un quartier noir défavorisé d’East Oakland. La prostitution semble la réponse facile au manque d’argent et au travail honnête qui lui échappe, mais Kiara sera vite arrêtée par des policiers, et son cauchemar commencera.
« Il remet sa ceinture mais il ne me regarde plus, il tapote juste sa poche et j’ai l’impression qu’il indique son portefeuille. » La descente aux enfers sera vertigineuse, jusqu’à ce qu’elle se retrouve en première page des quotidiens. « Le seul moyen de ramener un peu de justice, c’est de rendre l’affaire publique. […] Kiara, je vais faire fuiter l’affaire. »
Une lueur d’espoir point avec l’arrivée en piste de l’avocate Marsha, qui offre ses services pro bono à la jeune femme afin que cesse ce mauvais rêve mais, on s’en doute bien, rien ne sera simple.