« Nous ne savons pas tout à fait ce que nous attendons, au juste, mais nous savons que nous attendons. » Voilà où en était toute une frange de la population québécoise à l’aube de 2012. Pas seulement les étudiants. Nicolas Langelier, à cette époque, se préparait à franchir le cap de la quarantaine. Ce qu’il nous livre ici n’est pas un texte militant, mais plutôt le récit d’un homme qui, au milieu de l’effervescence du « Printemps québécois » (« au fond ça a beaucoup plus été un ‘Printemps montréalais’ », lui confie une amie à la fin de l’aventure), partage avec les manifestants le mépris du gouvernement, la rage devant l’injustice et l’espoir d’un monde meilleur, mais trouve dans son for intérieur un espace de doute, de questionnement et de lucidité qui préserve son individualité – et son intérêt pour le lecteur – au milieu de cette masse populaire dans laquelle il se fond par moments avec jouissance et passion.
Ce récit prend plus ou moins la forme d’un journal, où se mêlent descriptions factuelles (notamment par des coupures de presse) et fragments de vie personnelle. Le hasard aura voulu que l’auteur soit plongé dans la lecture du sage Marc Aurèle (121-180) pendant les événements. Comment concilier « je sais que celui qui agit mal a une nature semblable à la mienne » (M. A.) et « je ne me souviens pas d’avoir détesté quelqu’un autant que je déteste en ce moment Jean Charest » (N. L.) ? Voilà la question.
Il s’agit ici du numéro 02 de la série « Documents » d’Atelier 10, « collection de courts essais portant sur les enjeux sociaux, culturels et individuels de notre époque, et écrits à chaud, dans l’urgence de dire les choses » (quatrième de couverture). Après un premier numéro (La juste part) qui, pour convaincant et efficace qu’il fût, ne craignait pas le parti pris et était carrément de l’ordre de l’essai philosophico-politique, l’éditeur propose un opuscule qui appartient manifestement à la même mouvance, mais avec un ton très différent, beaucoup plus personnel et nuancé, et suivant une forme vivante et originale.
Beau témoin d’une année mémorable pour le Québec.