Le livre que vient de faire paraître Diane Lamonde est un brûlot lancé dans la cour de ceux qui cherchent à imposer leur conception de l’évolution de la langue au Québec. Et le brûlot est fort ironiquement amorcé : exemples à l’appui, l’auteure signale l’incompétence de quelques-uns des partisans d’un nouvel aménagement de la langue ; il est en outre lancé de façon experte et efficace, sa charge d’ironie et de sarcasme étant ravageuse à souhait.
Ceux et celles qui se passionnent pour le sujet liront donc, avec amusement ou irritation selon le cas, Anatomie d’un joual de parade. S’ils sont puristes ou simplement préoccupés de conserver ici le plus bel héritage que nous ayons de la France, une langue belle et foisonnante qui nous tient en liaison avec la francophonie, ils conviendront avec la polémiste que le projet, qu’elle attribue aux « aménagistes », de créer, comme base de référence à l’intention des Québécois, un outil se limitant à la langue parlée au Québec, ne se justifie pas. Les mots du français international utilisés chez nous et les mots créés au Québec ne figurent-ils pas déjà dans les plus importants dictionnaires de langue française ? Pourquoi, se demande-t-elle, se couper d’une ressource plus étendue sous le prétexte « fallacieux » de rassurer les Québécois qui souffriraient d’un complexe d’infériorité dans le domaine ? Ainsi exposé, le choix entre un instrument de portée restreinte et l’accès à des outils plus riches semble évident. L’argument de la nécessité du dictionnaire « national » ne tient guère la route non plus.
L’attaque de Diane Lamonde, dans sa virulence, aura sans doute des détracteurs. Parviendront-ils à démonter son argumentation ? J’en doute, mais l’intérêt soulevé par sa critique des projets des « aménagistes » qu’elle pourfend risque de s’amenuiser faute de combattants animés d’une même fougue. Ceux qu’elle aura convaincus pourraient travailler à l’instauration de nouvelles mesures dans le domaine controversé de la langue en évitant toutefois de sauter l’étape essentielle de la consultation de la communauté visée. Et le champ est vaste. Mieux encadrer l’enseignement du français à l’école et encourager la fréquentation des dictionnaires vaudrait sans doute bien des aménagements dont il est difficile de prévoir l’impact.