Voilà un livre important dans le contexte politique québécois et canadien. Avec la Charte des valeurs québécoises, la question du voile islamique a fait une entrée spectaculaire dans les débats politiques au Québec. Beaucoup de choses se sont dites à propos du voile mais, les détracteurs de la Charte l’ont souligné, peu d’études sont venues éclairer le débat. Et voilà une étude, sérieuse : une thèse de doctorat de l’Université de Strasbourg basée sur une enquête auprès de jeunes adolescentes en Tunisie.
Tout au long de l’ouvrage, l’auteure décrit et explique clairement l’augmentation du nombre d’adolescentes portant le voile dans ce pays. Selon elle, le voile est un signe patent du maintien du patriarcat dans les sociétés arabes, et aussi de la continuité du culte ancestral de la virginité. Avec le voile, les jeunes femmes démontrent qu’elles ont « intériorisé » la vision manichéenne des hommes à leur égard : les femmes affichent soit des mœurs faciles (lire : occidentalisées), soit des mœurs traditionnelles, pures, bref « musulmanes ».
Comme encore dans le monde arabe, pour être « mariable », une fille doit être « pure », donc vierge, comment mieux afficher cette « mariabilité », cette pureté, sa bonne réputation qu’avec le voile ? « Transgresser la norme virginale constitue une déviance qui expose l’adolescente à un risque identitaire majeur, celui d’être une stigmatisée impure […]. Les jeunes filles sont amenées à esquiver ce risque au quotidien, notamment à travers le voilement, qui renvoie à une pureté socialement affichée. »
Meryem Sellami situe cette montée du voile après les événements du 11 septembre 2001 et la guerre qui s’en est suivie en Irak, parlant d’une volonté de « restitution de la dignité islamique » face à l’hégémonie culturelle de l’Occident. Avec la multiplication des chaînes arabes de télévision par satellite sont apparus des prédicateurs intégristes pour qui une bonne musulmane, digne, celle qui se respecte, se pare nécessairement du voile. Ils jouent un rôle important dans l’usage grandissant de ce vêtement si contesté.
Un livre pertinent, qui dévoile (sans jeu de mots) une différence majeure entre les sociétés arabe et occidentale actuelles : la pudeur.