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NUIT BLANCHE

Vous voulez changer le monde ? Alors, commencez par mobiliser les gens, les petits, les grands, les vieux, les jeunes, toutes et tous derrière un objectif clair : une autre société est possible. La participation populaire est la clé du changement social, sans elle pas d’organisation communautaire viable.

C’est Eric Shragge qui le dit et vu les nombreuses années d’expérience communautaire et d’engagement social à son actif, il serait vraiment vaniteux de le contredire. Traduit de l’anglais, Action communautaire : dérives et possibles nous arrive directement de l’autre bord , et c’est ce qui renforce l’intérêt de ces pages. Pendant que nous luttions pour la reconnaissance des droits syndicaux, féministes, etc., dans l’autre solitude, l’organisation communautaire anglophone battait son plein. Le développement communautaire a une longue histoire au Canada et ailleurs dans le monde. C’est un regard sur les décennies passées de mobilisation que jette l’auteur et homme d’expérience, sur la manière dont certains gains sociétaux ont été engrangés, pour ainsi mieux apprécier le devenir de l’organisation communautaire.

Cela aboutit à un cours universitaire sur la question. La première interrogation de l’auteur : où sont les grands rassemblements qui faisaient descendre dans la rue des milliers de participants ? L’action collective promeut, enfin normalement, la justice économique et sociale. La participation rime avec la capacité de remporter des victoires, donc d’éveiller des consciences politiques. Selon l’auteur, et démonstration est faite ici, le mouvement communautaire aurait perdu une bonne part de sa vision critique, alors la lutte globale pour la justice et l’équité sociales, on n’en parle plus. Plus comme avant. Car, il n’y a pas si longtemps, l’organisation communautaire marquait des points politiques évidents. Mais lentement, par une dérive due à son succès et au plongeon dans le capitalisme des années 1990, le monde communautaire s’est professionnalisé, a offert (et offre de plus en plus) des services sociaux transformant les citoyens en clients, le tout financé par les fonds publics. Ainsi le monde communautaire est devenu le bras social d’un État de plus en plus désengagé. Trop de connivences avec les structures en place tue l’avenir du mouvement communautaire comme agent de changement social.

Mais tout n’est pas perdu.

Écartelées entre les demandes des gens qui veulent de l’aide et des services et celles des associations qui les financent, et mues par le besoin de changer le monde, les organisations communautaires ont entre leurs mains le devenir de la société. Les batailles ont changé, mais les possibilités d’occupation du terrain restent nombreuses. Moins critiques, moins dissidentes, même si certains auteurs parlent quand même de « conflits coopératifs », les interventions du secteur communautaire constitueront toujours une manière et une occasion d’agir sur le plan politique. À la seule condition que ces organisations osent s’administrer une analyse critique de leurs positions et missions, pour renouveler ainsi leurs pratiques. Car leur place ne peut être ailleurs que devant les barricades.

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