Amélie Nothomb sévit encore ! Et bien qu’elle ne fasse jamais dans la dentelle, elle atteint avec son dernier-né un sommet dans l’art du cynisme. Nothomb fronde et provoque, c’est dans sa nature. Nul ne s’étonnera donc du choix du titre qui évoque un constituant chimique corrosif qui entre dans la fabrication d’explosifs : on ne fait pas joujou avec le H2SO !
Parodie particulièrement cuisante de la téléréalité, Acide sulfurique touille l’Histoire et les mémoires à la recherche d’une morale peut-être ? L’auteure controversée tenterait-elle de tourmenter les consciences ? de décaper les bons sentiments pour voir ce qui s’y cache? En fait, peu importe ce qui a motivé l’outrecuidante Belge, le roman qu’elle a concocté ne passera pas inaperçu. Il y a là matière à réflexion : un jeu télévisé reconstitue un camp de concentration dans lequel des caméras livrent en direct les mauvais traitements qu’on fait subir à des innocents pour le simple plaisir de « montrer » et de « voir ». Pour augmenter les cotes d’écoute, on ira jusqu’à faire voter le public pour désigner les candidats à éliminer
Il s’en trouvera parmi les détracteurs d’Amélie Nothomb et parmi les censeurs de tout acabit pour dire qu’elle exagère Pourtant, elle décrit assez bien ici l’esprit de notre époque. « Les journaux ne parlèrent plus que de cela. Les éditoriaux flambèrent, les grandes consciences tempêtèrent. Le public, lui, en redemanda dès la première diffusion. L’émission, qui s’appelait sobrement ‘Concentration’, obtint une audience record. Jamais on n’avait eu prise si directe sur l’horreur. » Du « déjà vu » n’est-ce pas et pas seulement chez l’oncle Sam ! Cela n’évoque-t-il pas pour vous les journaux télévisés qui s’évertuent à « faire spectacle » de tout et de rien ? Alors qu’on nous a montré jusqu’à plus soif les horreurs du 11 septembre, celles des guerres et des génocides bien réels, pourquoi s’insurgerait-on d’un mince roman de science-fiction qui rappelle l’appétit des téléspectateurs pour le sang et l’abjection ?