Robert Viau continue son exploration, que l’on pourrait qualifier de systématique, de la littérature acadienne avec son troisième tome sur le sujet. Si, d’un livre à l’autre, la forme demeure la même, son approche des œuvres est toujours fascinante et originale.
En exergue, cette citation de Saint-Exupéry qui donne la clé de toute son œuvre : « Et j’étais là comme le marin, les bras croisés, et qui respire la mer. Telle mer à labourer et non une autre ». Sa mer à lui, c’est la littérature acadienne, aussi bien celle des débuts que la contemporaine.
Inlassablement, il situe, commente et analyse : « Ce qui m’importe c’est d’aller vers une meilleure compréhension de la littérature acadienne, en étant conscient que dans cette série d’articles tout n’est pas dit, tout n’est pas terminé, car l’on n’arrive jamais à un bilan définitif, sauf dans un monde clos et fermé, dans la mort ».
Neuf essais composent ce livre, lesquels suivent la chronologie (à une inversion près) de la parution des ouvrages dont il nous entretient. De Jacques et Marie (1866) de Napoléon Bourassa, une œuvre québécoise dont le sujet est la Déportation de 1755, à Autoportrait (2014) d’Herménégilde Chiasson, en passant par Retour à la terre (1916) d’Arthur Melanson, La vie en croix (1948) d’Eddy Boudreau, Une histoire de cœur (1988) de Jacques Savoie, Le chemin Saint-Jacques (1996) d’Antonine Maillet, et Trajets dispersés (1989) de Roméo Savoie.
Les deux autres textes s’inscrivent comme des intermèdes (c’est ainsi que Viau nomme le premier) : L’école aux apparitions mystérieuses du père Philéas-Frédéric Bourgeois (1896), un curieux essai sur de présumées apparitions de la Vierge Marie à Scoudouc, et « La résistance acadienne : les mutins du Pembroke » qui porte sur la prise d’un navire anglais par les déportés acadiens, un événement qui a inspiré de nombreux auteurs – dont Georgette LeBlanc (Prudent, 2013).
Les œuvres de Bourassa, Melanson et Boudreau sont l’occasion de présenter des textes qui traitent des mêmes thèmes, que ce soit la Déportation, le retour à la terre ou la religion, et le contexte social de l’époque. Par contre, les œuvres contemporaines (Jacques Savoie, Maillet, Roméo Savoie, Chiasson) sont analysées en les situant par rapport aux œuvres précédentes des auteurs, ce qui permet de saisir la façon dont le livre choisi s’inscrit dans l’ensemble de l’œuvre.
La qualité des textes tient aussi bien à la fluidité et à la limpidité de sa plume (ses textes s’adressent à tous ceux et à toutes celles qui s’intéressent à la littérature, et non pas aux seuls universitaires) qu’à la façon dont Viau nous les présente. Ses mises en contexte et en situation sont passionnantes, et ses analyses (qu’il appuie par des citations d’autres critiques et par des extraits d’entrevues accordées par les auteurs) sont d’une grande finesse.